LA MÉDECINE À
L’ÉPOQUE ROMAINE
QUOI DE NEUF, DOCTEUR ?
La Médecine à
L’époque roMaine
quoi de neuf, docteur ?
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Responsable éditoriale
Véronique Dasen
Conception graphique et mise en page
Nathalie Saudan, Suzanne Pitzl
Point Carré Sàrl, Vevey (Suisse)
Impression
Marchandeau imprimeur, Villeurbanne
Relecture
Véronique Dasen, Mélanie Lioux, Lucinne Rossier,
Dominique Tisserand
Cet ouvrage a été édité par le Département du Rhône pour
accompagner l’exposition « La médecine à l’époque romaine.
Quoi de neuf, docteur ? », présentée au musée gallo-romain de
Lyon-Fourvière du 4 octobre 2011 au 22 avril 2012, et constitue
la réédition revue et augmentée de l’ouvrage qui accompagnait l’exposition initiale conçue à Nyon (Suisse) en 2010.
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Sommaire
Avec des textes de Yann Ardagna, Pascal Bader, Luc Buchet, Véronique Dasen, David Gandia, Gaëlle Granier, Christiane Kramar,
Mélanie Lioux, Brigitte Maire, Raoul Perrot, Lucinne Rossier, Jacques Santrot, Hugues Savay-Guerraz, Jacques Voinot.
Avant-propos du président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
La médecine à l’époque romaine. Quoi de neuf, docteur ? . . . . . . 5
La médecine grecque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
L’aryballe Peytel : le cabinet d’un médecin grec. . . . . . . . . . . . . . 10
La médecine à Rome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
L’identité du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Tombes de médecins en Gaule romaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Anatomie et thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Les instruments du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
La trousse d’oculiste de Lyon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Une boîte à médicaments en ivoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
La médecine militaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
La médecine par les plantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Hygiène et soins corporels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Maladies et lieux insalubres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Santé et maladie des Gallo-Romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Quelques cas pathologiques en Gaule romaine . . . . . . . . . . . . . . 36
Médecine, religion et magie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Les pierres qui soignent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Bibliographie d’orientation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Crédits photographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Scalpel en alliage de cuivre avec lame en fer, Asie Mineure
(2e s. apr. J.-C.). Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz.
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Avant-propos
Michel Mercier,
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés,
Président du Conseil général du Rhône
L
a médecine n’a jamais été aussi performante dans tous les
domaines. La connaissance du corps humain a progressé de
façon spectaculaire grâce à une imagerie médicale révolutionnaire. Les progrès de la chimie et de la biochimie autorisent des
traitements de plus en plus ciblés et efficaces. Une somme
énorme d’informations est désormais disponible dans tous les
domaines des sciences médicales. La conséquence logique est
la tendance à l’hyperspécialisation du praticien : le patient a
parfois l’impression de se confondre avec sa pathologie ou
d’être une somme d’organes dont il confie sélectivement le
traitement à un spécialiste. Curieusement, cette segmentation
du corps existait déjà dans l’Antiquité, mais relevait du domaine
religieux : lorsqu’il se rendait dans le sanctuaire d’un dieu guérisseur, le patient déposait une image de la partie du corps malade, en métal, en pierre ou en bois, pour attirer l’attention de
la divinité sur ses maux. C’est ce que nous apprend cette remarquable exposition, parmi bien d’autres acquis. À travers un rassemblement exceptionnel d’œuvres – statues, inscriptions, instruments… – elle nous révèle le lointain écho d’une médecine
antique qui nous apparaît proche, fondée déjà sur une approche rationnelle, et dont l’idéal était la connaissance intime
du patient, envisagé comme un tout harmonieux. Une vision
que la science d’aujourd’hui ne saurait démentir lorsqu’elle met
en avant la diversité des interactions entre les différentes parties du corps, et leur rôle essentiel dans ce délicat équilibre
qu’est la santé.
Statue d’Esculape (2e s. apr. J.-C.), provenance inconnue.
Aix-en-Provence, musée Granet.
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La médecine à l’époque romaine.
Quoi de neuf, docteur ?
Hugues Savay-Guerraz,
conservateur du musée gallo-romain de Lyon-Fourvière
L
e caractère paradoxal de la civilisation romaine, à la fois
proche et très éloignée de la nôtre, ressort particulièrement
lorsqu’on s’intéresse à la médecine. Évoquer Rome et son empire, c’est faire revivre un monde où l’espérance de vie est limitée, la mortalité infantile élevée, où une banale infection peut
être mortelle, où enfin religion et magie viennent souvent au
secours de la science. Mais c’est aussi une civilisation qui
connaît les traités de médecine hérités des Grecs, où les praticiens nombreux, surtout en milieu urbain, sont souvent spécialisés et disposent d’instruments perfectionnés. Ils savent réduire les fractures, soigner les plaies et même opérer la
cataracte. Un monde comparable au nôtre par le souci de l’hygiène du corps, de la salubrité des villes ou de la qualité de
l’eau.
L’exposition « La médecine à l'époque romaine. Quoi de neuf,
docteur ? » présente les pratiques des hommes et des femmes
médecins de l’Antiquité, les maladies et les remèdes ainsi que
le recours à la religion et la magie.
Cette exposition a été conçue à l’origine par le musée romain
de Nyon en Suisse, sous la direction de Véronique Rey-Vodoz,
conservatrice du musée et de Véronique Dasen, commissaire,
professeure d’archéologie classique à l’Université de Fribourg
(Suisse).
Elle est présentée en 2011-2012 au musée gallo-romain de
Lyon-Fourvière, grâce à l’obligeance de Véronique Rey-Vodoz,
tandis que Véronique Dasen a accepté d’assurer le commissariat de la nouvelle édition.
Le scénario ainsi qu’une partie des œuvres exposées à l’origine
ont été conservés grâce à la collaboration de plusieurs musées
et institutions (Avenches, Lausanne, Sion, Vindonissa, Zurich,
Mayence, Gand) qui ont bien voulu contribuer à nouveau au
succès de cette manifestation. Les thèmes conçus à Nyon ont
été enrichis par les collections lyonnaises et par d’autres prêts
consentis par des musées français et étrangers.
Dès l’entrée, c’est une œuvre exceptionnelle qui rappelle tout
ce que Rome doit à la Grèce : l’aryballe Peytel, du musée du
Louvre, un vase grec du début du 5e siècle avant J.-C., sur lequel figure la plus ancienne représentation d’une consultation
médicale. L’identité du médecin romain ressort à la fois des
reliefs et épitaphes des tombes, avec notamment la stèle funéraire d’un oculiste (musée de Bar-le- Duc) et celle d’une femme
médecin (musée de Metz), mais aussi des instruments déposés
dans leur sépulture. Quatre tombes de médecin, parmi les plus
intéressantes découvertes en Gaule romaine, figurent dans
l’exposition, provenant du musée Crozatier (Le Puy), du musée
Carnavalet (Paris), du musée d’archéologie nationale (SaintGermain-en-Laye) et du musée vendéen (Fontenay-le-Comte).
Les instruments sont présentés par spécialité médicale (médecine générale, chirurgie, ophtalmologie…) à partir des collections de Suisse, d’Allemagne, de Belgique, d’Italie et de France,
notamment de Lyon. Plusieurs instruments provenant des
fouilles de Pompéi et appartenant à la prestigieuse collection
du musée national de Naples sont visibles. Le visiteur pourra
aussi découvrir les remarquables aiguilles à cataractes trouvées
dans la Saône (musée de Tournus), ainsi que d’autres instruments qui servaient à préparer les médicaments. La médecine
par les plantes apparaît au travers des livres anciens, complétés
par quelques plantes des herbiers de l’Université Lyon 1.
Un certain nombre de nuisances et pollutions dénoncées aujourd’hui existaient sans doute dès l’époque romaine. On peut
se demander si la présence du plomb dans les canalisations,
mais surtout dans la vaisselle métallique et les vernis des céramiques, n’a pas entraîné des atteintes par saturnisme.
Diverses pathologies (rhumatismes, maladies infectieuses…)
ainsi que des traumatismes sont discernables sur les restes osseux. Ces derniers portent aussi les traces des soins prodigués
aux malades, comme les fractures réduites et consolidées ou
encore ce cas exceptionnel de trépanation guérie visible sur un
fragment de crâne étudié par le Laboratoire d’anthropologie
de Lyon.
Quand la science se révèle impuissante, on s’en remet alors aux
dieux. Le couple guérisseur, Esculape, dieu de la médecine, et
sa fille Hygie, déesse de la santé, est représenté sur le relief du
musée du Louvre qui le montre nourrissant deux énormes serpents, animal emblématique de la médecine ancienne. C’est
encore Esculape qui figure sur le magnifique ivoire du trésor de
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la cathédrale de Coire, à l’origine une boîte à médicaments,
transformée plus tard en reliquaire. Le recours fréquent aux divinités salutaires se manifeste par des ex-voto offerts pour
demander leur intervention ou les remercier de leur action
bienfaisante. Les sanctuaires des dieux guérisseurs sont souvent implantés près des sources. Une série d’ex-voto anato-
miques en bronze et en pierre, provenant des sources de la
Seine, du musée de Dijon, atteste ces formes de culte. Enfin
des amulettes et des gemmes témoignent des pratiques magiques et des vertus thérapeutiques attribuées aux pierres,
avec la contribution du Cabinet des Médailles (Bibliothèque
Nationale).
Remerciements
Grâce à la générosité des institutions et des musées sollicités, cette nouvelle édition présente un rassemblement unique d’œuvres
qui apporte un éclairage très complet sur la médecine de l’époque romaine. À tous, le Département du Rhône, le musée gallo-romain
de Lyon-Fourvière et Hélène Lafont-Couturier, Directeur des musées du Département du Rhône, musées gallo-romains - musée des
Confluences, adressent leurs plus vifs remerciements.
Véronique Dasen, professeure à l’Université de Fribourg, Suisse
Véronique Rey-Vodoz, conservatrice du musée romain de Nyon, Suisse
Yann Ardagna et Gaëlle Granier (Unité d’anthropologie bioculturelle, Facultés de médecine, Marseille)
Laïla Ayache (musées de la Cour d’Or-Metz Métropole)
Georges Barale (Université Lyon 1)
Sophie Broccard (musée d’histoire du Valais)
Luc Buchet (CNRS, CÉPAM, Sophia Antipolis, Nice)
Jérôme Bullinger (musée cantonal d’archéologie et d’histoire, Lausanne)
Hélène Chew, Chantal Joly-Dulos et Joëlle Brière (musée d’archéologie nationale, Saint-Germain-en-Laye)
Teresa-Elena Cinquantaquattro et Valeria Sampaolo (Soprintendenza di Napoli)
Pierre Dezarnaud (Revel-Tourdan)
Judith Fuchs (Römermuseum Vindonissa)
Gilles Grandjean et Emmanuel Magne (musée Crozatier, Le Puy-en-Velay)
Etienne Guibert et Marguerite Préau (musée Barrois, Bar-le-Duc)
Bruno Hely, Elisabeth Vidal-Naquet et Stéphanie Lardez (musée Granet, Aix-en-Provence)
Yves Jocteur-Montrozier (Bibliothèque municipale, Lyon)
Chantal Lamesch (musée Bargoin, Clermond-Ferrand)
Philippe Lépine, Prof. Jean Normand et Dr Jacques Voinot (musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie de Lyon)
Jean-Marc Léri et Christiane Dole (musée Carnavalet, Paris)
Henri Loyrette, Jean-Luc Martinez et Nathalie Brac de la Perrière (musée du Louvre, Paris)
Marie-France Meylan Krause et Sophie Delbarre (musée romain d’Avenches)
Anna Barbara Müller-Fulda (Churer Domschatz)
Gaëlle Oliver (musée vendéen, Fontenay-le-Comte)
Emilie Perdrix et Nadine Grivel (musée des moulages, Lyon)
Jacqueline Perifanakis (Université de Zurich)
Raoul Perrot et David Gandia (Laboratoire d’anthropologie anatomique et de paléopathologie, Université Lyon 1)
Barbara Pferdehirt et Allard Mees (Römisch-Germanisches Zentralmuseum, Mainz)
Bruno Racine, Françoise Simeray, Michel Amandry et Mathilde Avisseau-Broustet (Bibliothèque Nationale, Paris)
Prof. Hendrik Roels (Université de Gand)
Hugues Savay-Guerraz (musée gallo-romain de Lyon-Fourvière)
Christian Vernou et Dominique Montigny (musée archéologique, Dijon)
Florence Vidonne et Audrey Reynaud (musée Greuze, Tournus)
François Wiblé (Office des recherches archéologiques du Valais, Martigny)
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Ainsi que :
Pascal Bader, Alain Guerry, Valérie Martini et Lucinne Rossier (Université de Fribourg)
Martine Bracco (Parc de Parilly, Lyon)
Olivier de Cazanove (Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, École française de Rome)
Adolfo Conti (réalisateur, Rome)
Dr François Descombes (HECVSanté, Lausanne)
Xavier Delestre et Bruno Bizot (DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Aix-en-Provence)
Marc-André Fontaine (Hôpital de Thiais)
Christophe Goumand (Genève)
Christiane Kramar (Université de Genève)
Mélanie Lioux (musée gallo-romain de Lyon-Fourvière)
Gérard Lucas (Université Lumière Lyon 2)
Brigitte Maire (Université de Lausanne)
Prof. Reto Meuli (radiologie CHUV, Lausanne)
Aurelio Moccia (musée romain de Nyon)
Jacques Santrot (Direction de la culture, Conseil général de Loire-Atlantique)
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1
La médecine grecque
Véronique Dasen
S
elon la tradition, Hippocrate est né sur l’île de Cos vers 460
avant J.-C. Dans l’Antiquité déjà, on le considère comme le
« père fondateur » de la médecine grecque. Dès sa mort, vers
370 avant J.-C., il est devenu un modèle et une référence qui
dépassent sa personne. Son nom est lié à la naissance d’une
littérature médicale spécialisée, le Corpus hippocratique, qui
réunit une soixantaine de traités écrits par différents auteurs de
la deuxième moitié du 5e siècle avant J.-C. à l’époque romaine.
Cette œuvre va marquer la pensée médicale occidentale pendant plus de vingt siècles.
En quoi consiste la nouveauté de la médecine hippocratique ?
Avec sa mise par écrit, le savoir médical sort du cadre familial et
se transmet de maître à disciple, comme en témoigne le fameux Serment. Le médecin soigne des maladies dont il ne
considère pas l’origine comme surnaturelle. L’auteur du traité
de La maladie sacrée 18, 1-2 l’explique :
«(Chaque maladie) a une origine naturelle et une puissance qui
lui est propre et il n’y en a aucune devant laquelle on soit sans
ressources et sans moyens. Elles sont curables, pour la plupart,
par ces mêmes choses à partir desquelles elles naissent.»
( trad. J. Jouanna, CUF )
La médecine hippocratique traite le patient de manière très individualisée. L’examen médical prend en compte son histoire personnelle, son régime et son environnement. La notion d’observation clinique s’impose comme la condition d’un bon pronostic :
« Savoir que les jugements se font par les yeux, les oreilles, le
nez, la main et les autres moyens par lesquels nous connaissons. Le médecin palpe, flaire ou goûte. À remarquer aussi :
cheveux, couleur, peau, veines, parties nerveuses, muscles,
chairs, os, moelle, encéphale, ce qui vient du sang, viscères,
ventre, bile, les autres humeurs, articulations, battements,
tremblements, spasmes, hoquets, ce qui est relatif à la respiration, déjections. » Épidémies 4, 43 ( trad. É. Littré, Hippocrate, Oeuvres
complètes V, Paris, 1846, p. 185 )
n Un système de représentation du corps
À défaut d’explorer l’intérieur du corps humain, le médecin hippocratique utilise d’autres stratégies. Le Corpus hippocratique
livre une conception du corps où la santé dépend principalement de l’équilibre des éléments fondamentaux qui le constituent. Aux notions de chaud, froid, humide et sec s’ajoute celle
d’humeurs ou fluides corporels dont le nombre et la nature
peuvent varier selon les traités. L’auteur de La nature de
l’homme livre la liste des quatre humeurs qui deviendront
canoniques :
«Le corps de l’homme a en lui sang, pituite*, bile jaune et
bile noire ; c’est ce qui en constitue la nature et ce qui y crée
la maladie et la santé. Il y a essentiellement santé quand ces
principes sont dans un juste rapport de crase, de force et de
quantité, et que leur mélange en est parfait.» (trad. É. Littré,
Hippocrate, Oeuvres complètes VI, Paris, 1849, p. 39-41)
n Le statut du médecin grec
Le médecin grec est en principe un homme libre dont la profession jouit d’une haute estime. Il se déplace afin de parfaire sa formation auprès d’un maître renommé, ou appelé par une cité qui
loue ses services pour une durée variable afin d’assurer les soins
de la population civile ou de l’armée. Des décrets gravés sur la
pierre, en majorité d’époque hellénistique (4e-1er s. av. J.-C.), décrivent les honneurs et les privilèges accordés en remerciement, comme l’exemption d’impôts, l’octroi de terres ou la
citoyenneté.
L’usage d’engager un médecin public au service d’une communauté est attesté en Grèce dès l’époque archaïque. À la fin du
6e siècle, Démocédès de Crotone aurait été recruté pour la
somme d’un talent d’argent par la cité d’Egine, raconte
Hérodote ( Histoires 3, 131) ; la cité d’Athènes, puis Polycrate
de Samos auraient surenchéri à deux talents pour le prendre à
leur service, peut-être dans un cadre militaire.
Deux monuments funéraires d’Asie mineure, l’un de l’époque
archaïque (fig. 1), l’autre de l’époque hellénistique (fig. 2), témoignent du statut élevé du médecin grec. La stèle de Bâle (fig. 1)
représente le praticien avec une longue barbe soignée, drapé
d’une étoffe finement plissée, assis sur un siège dont les pieds
se terminent en pattes de lion. Il tient un long bâton qui le désigne comme un citoyen libre. Deux ventouses, ses instruments
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de base, emblèmes de l’art médical, sont placées sur le fond de
la stèle. Face à lui, un jeune aide lui apporte une ventouse et
d’autres accessoires trop abîmés pour être identifiés.
Sur le relief funéraire de Berlin (fig. 2), le médecin est identifié
par sa trousse ouverte sur six instruments de chirurgie. Il est
héroïsé comme l’indique la présence d’un autel et du serpent
dans l’arbre, un schéma emprunté à l’iconographie du dieu
Asclépios. Il est assis sur un siège élégant à haut dossier, les
pieds posés sur un tabouret. Le livre s’ajoute aux emblèmes de
la profession médicale : il renvoie à un savoir qui se transmet
aussi par écrit, et souligne les compétences intellectuelles du
défunt qui devait posséder une bibliothèque, voire être luimême écrivain. L’homme tient un rouleau de papyrus dans la
main gauche et adresse de la main droite un geste rhétorique à
un jeune garçon qui lui tend un autre rouleau. Une femme s’approche, suivie d’un serviteur avec deux chevaux, portant deux
lances sur l’épaule.
n Le Serment
Conçu pour être prononcé à haute voix, le Serment hippocratique date probablement du 4e siècle avant notre ère. On ne
dispose d’aucune information sur l’origine de ce texte. Dans
quelles circonstances fut-il rédigé, par qui et pour qui ? Il ne fut
sans doute pas prononcé de manière régulière dans l’Antiquité,
mais il confirme l’apparition d’un nouveau mode d’apprentissage du savoir médical : il définit les devoirs d’un disciple qui
n’est plus un membre de la famille, mais qui doit à son maître
un soutien moral et financier. Il énonce des règles de conduite
et une déontologie qui a traversé les siècles, comme le respect
du secret médical.
« Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et
Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant
à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité,
le serment et l’engagement suivants :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les
auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le
cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je fe-
rai part des préceptes, des leçons orales et du reste de
l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par un engagement et un serment suivant la loi
médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant
mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal
et de toute injustice.
Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande,
ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif.
Je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans l’innocence et
la pureté.
Je ne pratiquerai pas l’opération de la taille (des calculs ?), je
la laisserai aux gens qui s’en occupent.
Dans quelque maison que je rentre, j’y entrerai pour l’utilité
des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant l’exercice ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce
qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion
comme un devoir en pareil cas.
Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné
de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré
à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure,
puissé-je avoir un sort contraire ! » Le Serment (trad. É. Littré,
Hippocrate, Oeuvres complètes IV, Paris, 1844, p. 629-633)
1 Stèle funéraire en marbre, Asie Mineure (vers 500 av. J.-C.).
Bâle, Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig.
2 Relief funéraire en marbre, Asie mineure (1er s. av. J.-C.).
Antikensammlung, Staatliche Museen Berlin.
* Pituite (aussi appelée phlegme) : humeur froide et transparente,
du latin pituita qui signifie mucosité.
2
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L’aryballe Peytel :
le cabinet d’un médecin grec
Véronique Dasen
U
n précieux petit aryballe (h. 8,8 cm), flacon à huile ou à parfums,
don du collectionneur J. Peytel, nous offre la plus ancienne
représentation connue d’une consultation médicale, bien antérieure aux premiers traités hippocratiques. Pour définir l’espace
de l’officine, l’imagier a figuré au mur trois ventouses.
L’équipement est complété par une grande bassine en bronze,
peut-être destinée à contenir l’eau pour laver les plaies. Au
centre, le praticien est assis sur une chaise à haut dossier, la tête
ceinte d’une bandelette, avec un fin collier de barbe qui signale
sa jeunesse et l’individualise. Il tient le bras d’un patient et pourrait s’apprêter à pratiquer une saignée avec un instrument difficile à distinguer ; il pourrait aussi être en train de lui appliquer un
bandage dont des traces auraient été repérées en 1906.
2
La consultation se déroule en présence d’autres clients qui
attendent leur tour. De part et d’autre de la scène centrale,
deux hommes arborent des bandages. Le premier, assis sur un
tabouret, porte sur son bras gauche un pansement peint en rehaut blanc. Le deuxième, debout derrière le médecin, a le mollet
de la jambe gauche bandé. Ces bandages légers pourraient se
rapporter au traitement par la saignée ; ils désignent à la fois
l’état de malade des patients et l’habileté de leur médecin.
Au dos du vase, trois hommes debout complètent la scène. Le
plus insolite est un nain qui porte un lièvre sur l’épaule. Il s’agit
peut-être d’un patient, apportant le prix en nature de sa consultation, ou de l’aide du médecin à qui un client a remis ses honoraires. Le personnage est dépeint avec beaucoup de finesse et de
précision. Il présente tous les traits physiques caractéristiques d’un
nain achondroplase : un visage au front saillant, mis en valeur par
une calvitie frontale, avec un nez à la racine aplatie et des mâchoires proéminentes ; son long tronc musclé est associé à des
membres courts et incurvés, avec des plis au niveau des cuisses.
Son sexe est ligaturé, une pratique réservée aux hommes libres.
Aucun disciple, ni assistant n’est représenté, sauf le nain, s’il
appartient au personnel du médecin. On relèvera aussi l’absence
de femmes dans l’officine. Une Athénienne aurait-elle pu se mêler
à des patients masculins ? Le Corpus hippocratique ne donne pas
d’exemple de femme, libre ou esclave, se rendant chez le médecin ; en principe, c’est le médecin qui se déplace au domicile de
son père, de son époux ou de son maître pour l’examiner.
Tous les éléments du vase mettent en scène la réussite professionnelle d’un jeune médecin : le nombre élevé de patients
témoigne de sa bonne réputation, tandis que les accessoires
montrent l’aisance que son métier lui procure – l’élégante
chaise à dossier, le tabouret confortable garni d’un coussin, la
luxueuse vasque en bronze aux pieds léonins. Cette scène exceptionnelle a probablement été réalisée sur demande pour
agrémenter une pharmacie. Les médicaments sont peut-être
évoqués par l’aryballe lui-même qui pouvait contenir une huile
aux qualités thérapeutiques. Sur l’épaule du vase, deux Erotes
volants tiennent des couronnes végétales qui pourraient évoquer les succès du médecin.
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1 Aryballe attique à figures rouges (vers 480-470 av. J.-C.).
Paris, musée du Louvre.
2-3 Nouvelles photographies de l’aryballe après restauration (2011).
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La médecine à Rome
Véronique Dasen
L
e culte d’Asclépios ( Esculape en latin ) s’installe officiellement
à Rome sur l’île tibérine en 291 avant J.-C. lors d’une période
d’épidémies. La statue du dieu fut amenée d’Épidaure à Rome
avec un serpent caché dans le bateau. L’animal se serait échappé
pour gagner l’île tibérine, manifestant la volonté du dieu de s’y
établir.
Une médaille en bronze d’Antonin le Pieux rappelle les circonstances de l’événement (fig. 1). La pointe de l’île, taillée en forme
de proue de bateau, porte encore aujourd’hui gravé le buste
d’Esculape tenant le bâton autour duquel s’enroule le serpent.
La médecine grecque fait alors peu à peu son entrée dans la
cité. Selon Pline l’Ancien (Histoire naturelle 29, 12-13), le premier médecin grec de Rome fut un Péloponnésien qui s’appelait Archagathos. En 219 avant J.-C., il reçut la citoyenneté en
même temps qu’une boutique « achetée sur les fonds publics ».
D’abord apprécié comme chirurgien, vulnerarius, ses méthodes
suscitèrent bientôt la méfiance. Il fut surnommé carnifex,
« bourreau », sans doute à cause de son usage de la saignée, du
cautère et du scalpel. C’est à la même époque que le terme
medicus, l’équivalent latin du grec iatros, apparaît pour la première fois dans la littérature latine. En 46 avant J.-C., Jules
César accorda la citoyenneté à tous les médecins étrangers
établis dans la cité ; leur présence fut par la suite régulièrement
encouragée par des exemptions fiscales.
2
n Un métier exercé par des étrangers
Sous la République, la majorité des médecins sont des esclaves ou
des affranchis d’origine grecque. Certains firent fortune, comme
Antonius Musa, disciple d’Asclépiade de Bithynie, esclave puis affranchi d’Antoine ou de sa famille. Il devint médecin d’Auguste et le
sauva, dit-on, d’une maladie grave en lui administrant un traitement
à l’eau froide en 23 avant J.-C. Il reçut en récompense une forte
somme d’argent et de nombreux privilèges, comme le port de l’anneau d’or, réservé aux membres de l’ordre équestre, ainsi qu’une
statue, élevée aux frais du peuple à côté de celle d’Esculape.
Le destin de P. Decimius Eros Merula, à la fois medicus clinicus,
ocularius et chirurgus, est aussi remarquable. Son inscription
funéraire, découverte à Assise, indique qu’il acheta sa liberté
50 000 sesterces, paya 20 000 sesterces pour devenir sevir,
30 000 sesterces pour une statue dans le temple d’Hercule à
Assise et 37 000 pour paver les routes, et qu’il laissa une fortune de 800 000 sesterces.
Ce pouvoir exercé sur leur corps par des étrangers inquiète les
Romains.
«Il est avéré que le peuple romain, en étendant ses conquêtes,
a perdu ses anciennes mœurs ; vainqueurs, nous avons été
vaincus. Nous obéissons à des étrangers. Et, grâce à une seule
profession, ils sont devenus les maîtres de leurs maîtres.»
Pline, Histoire naturelle 24, 5 (trad. J. André, CUF)
n A. Clodius Metrodorus et Claudius Agathemeros
La stèle funéraire de A. Clodius Metrodorus (fig. 2) témoigne de
la réussite familiale et professionnelle d’une famille d’affranchis. Elle livre les plus anciens portraits conservés de médecins
grecs de l’époque républicaine. La position centrale de
Metrodorus le désigne comme le chef de famille. Son nom gentilice indique qu’il fut affranchi par un membre de la gens
Clodia, comme son fils, A. Clodius Tertius. Drapés dans leur
toge, père et fils forment un couple dont les ressemblances
physiques sont soulignées par leur attitude identique. Seule les
distingue une différence d’âge indiquée par la chevelure plus
dégarnie du père, quelques rides et des traits légèrement creusés selon la mode vériste de l’époque républicaine.
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À droite, coiffée à la mode de Livie, avec une grosse mèche nouée,
nodus, relevée sur le front, Clodia Hilara tient son manteau de la
main gauche. L’inscription la désigne comme une affranchie, liberta,
peut-être de son époux, Metrodorus, à moins qu’elle n’ait été affranchie en même temps que lui par le même maître.
Aucun objet relatif à l’exercice de la médecine n’est figuré,
mais leur métier est indiqué par le terme medicus qui s’ajoute
aux noms du père et du fils. Vraisemblablement, le fils apprit
auprès de son père ce métier qui offrait un statut privilégié et
la perspective d’un affranchissement. Les deux médecins firent
sans doute partie de l’entourage de familles de l’élite. Le relief
provient de Tusculum, une région qui servit de résidence secondaire à de nombreux Romains fortunés. Cicéron y avait une
villa ; le relief pourrait peut-être représenter le médecin
Metrodorus qui succéda auprès de lui à Alexion, mort en
44 avant J.-C., et qui soigna également Tiron, son secrétaire,
quelques années plus tôt.
Parmi les écoles médicales qui fleurirent à Rome, la plus célèbre
est l’école méthodique, fondée par Asclépiade de Bithynie
(1er s. av. J.-C.). Asclépiade aurait notamment découvert les
bienfaits thérapeutiques du vin (Pline, Histoire naturelle 7, 124)
et prônait les bienfaits d’une gymnastique douce. Une inscription funéraire de Vienne (fig. 3) livre l’épitaphe d’un médecin
d’origine grecque qui se réclame de cette école, « Marcus
Apronius Eutropus, médecin Asclépiadien ». Sévir augustal, il
était membre du collège des six prêtres chargés d’organiser le
culte de l’empereur.
n Et la médecine romaine ?
Selon Pline, Rome aurait vécu sans médecins avant l’arrivée des
Grecs, mais non sans médecine. Le pater familias pratiquait une
médecine traditionnelle, empirique, utilisant les produits du jardin, sans négliger les recettes magiques.
Caton l’Ancien (234-149 av. J.-C.) vante ainsi les vertus du chou :
« Le chou est un légume qui surpasse tous les autres ; mangez-le soit cuit, soit cru ; si vous le mangez cru, faites-le macérer dans le vinaigre : il fait digérer merveilleusement, fait du
bien au ventre et l’urine en est bonne pour tout. Le chou erratique [sauvage] a une très grande force. Il faut le dessécher
et bien le broyer menu ; si vous voulez purger quelqu’un, qu’il
ne dîne pas la veille ; le matin, donnez-lui, à jeun, du chou
broyé, et quatre cyathes d’eau, rien ne purgera aussi bien. »
3
Inscription (CIL XII, 1804)
«A Marcus Apronius Eutropus, médecin asclépiadien, sévir augustal, et à
Clodia, son (épouse). Apronia Clodilla, pour les meilleurs des parents.» (trad.
B. Rémy)
connaître un haut degré de complexité, associant chaque humeur
à une qualité, une saison, une période du cycle de la vie, un moment du jour, une couleur ou un goût. Le sang, chaud et humide,
est ainsi lié au printemps et prédomine dans l’enfance ; la bile
jaune, chaude et sèche, à l’été et à la jeunesse ; la bile noire, froide
et sèche, à l’automne et à l’âge adulte ; le phlegme, froid et humide, est l’humeur de l’hiver et de la vieillesse.
Caton, De l’agriculture 156, 1; 157, 12 (trad. R. Goujard, CUF)
1 Médaille en bronze d’Antonin le Pieux (140-143 apr. J.-C.).
Galien de Pergame (129 - ~ 216 apr. J.-C.)
Galien de Pergame est le second « père fondateur » de la médecine antique. Il accomplit une longue formation d’une douzaine d’années avant de s’établir à Rome en 162. Médecin personnel de l’empereur Marc Aurèle et de sa famille, il est l’auteur
de plus de 350 traités d’une grande diversité qui ont en partie
survécu en grec ou en traduction latine, arabe ou hébraïque.
L’ampleur de son influence sur la pensée médicale s’étend
jusqu’à l’époque moderne.
Galien développe la théorie des trois « facultés » du corps qui sont,
dans l’ordre croissant d’importance, la fonction nutritive, vitale et
logique. Trois sortes de pneuma ou souffles vitaux leur sont associés. Il reprend la théorie hippocratique des quatre humeurs qui va
n
Paris, Cabinet des Médailles.
2 Relief funéraire en marbre, Tusculum (1er s. av. J.-C.).
Paris, musée du Louvre. Inscription (CIL VI, 9574) : Le médecin A. Clodius
Metrodorus avec son fils, A. Clodius Tertius, médecin, et Clodia Hilara, son épouse.
3 Plaque moulurée en calcaire, Limony (cité de Vienne).
(milieu 1er s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
13
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1
L’identité du médecin
Véronique Dasen
D
ans l’Antiquité gréco-romaine, la pratique de la médecine
est libre. Aucun diplôme ne sanctionne les études, la réputation en tient lieu. L’art médical s’acquiert par l’apprentissage
au chevet du malade, par l’enseignement oral et par la lecture.
La durée de la formation, accomplie dans le cadre familial ou
auprès d’un maître, est très variable, entre six mois et six ans.
n L’idéal du medicus amicus
À Rome, la médecine appartient aux arts libéraux, mais sans
être l’égale de la philosophie et de l’éloquence, car le médecin
exerce un travail manuel et se fait rétribuer. Afin de la valoriser,
plusieurs monuments funéraires montrent le défunt dans l’exercice de sa profession, entouré d’objets qui indiquent ses compétences à la fois intellectuelles et manuelles. La représentation de livres le désigne comme un homme instruit et cultivé,
les instruments médicaux renvoient à la finalité de ce savoir, le
traitement du malade.
Une formule, présente dans la littérature et sur les monuments
funéraires, résume l’idéal romain : medicus amicus. Elle évoque
une relation de confiance avec un homme qui connaît l’histoire
de son patient, à l’image de nos médecins de famille. « À savoir
égal, un médecin est plus efficace s’il est un ami du patient que
s’il est un étranger », affirme Celse, dans son traité De la médecine (Préface 73).
n Généralistes ou spécialistes ?
L’épigraphie révèle l’existence de nombreux spécialistes désignés
par des termes spécifiques. Les plus fréquents sont le clinicus, le
chirurgus (ou vulnerarius) et l’ocularius (ou ophtalmicus). D’autres
spécialités sont attestées : les inscriptions parlent d’iatraliptès
(kinésithérapeute ou masseur), d’herbarius... Ces spécialisations
sont parfois critiquées comme des réductions du champ du savoir.
Martial s’en moque dans une de ses Épigrammes :
«Cascellius extrait ou soigne une dent malade ; tu brûles,
Hygin, les cils qui gênent les yeux; Fannius fait disparaître sans
excision un catarrhe de la luette, Eros supprime les vilaines cicatrices, Hermès et Podalire des hernies intestinales. Mais qui
guérira les gens éreintés de fatigue ? » Épigrammes 10, 56, 3-8 (trad.
H. J. Izaac, CUF)
2
n Et les femmes médecins ?
À côté de la sage-femme (obstetrix en latin, maia en grec), on
trouve des femmes médecins, désignées par le terme latin medica (en grec iatria, iatrinè), telle Minucia Astte (fig. 3). La distinction entre sage-femme et femme médecin n’est pas aisée à
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tracer. Une polyvalence peut se lire dans le vocabulaire : à côté
de medica, les termes de iatromaea, iatromea ou iatroma associent la notion de médecin (iatria) et d’accoucheuse (maia).
Le seul portrait connu de medica est conservé sur une stèle funéraire de Metz, en Gaule romaine (fig. 2). Sans l’inscription, qui
n’a malheureusement pas conservé son nom, le métier de la
défunte serait impossible à identifier. La medica est figurée debout, en pied, drapée dans sa palla. Elle tient dans la main
gauche une sorte de boîte qui pouvait contenir des médicaments ou des livres.
3
Ces femmes médecins ne soignaient-elles que d’autres femmes
ou s’occupaient-elles d’hommes aussi ? La question reste débattue. Leur savoir ne semble pas s’être limité à la gynécologie et
à l’obstétrique, comme le révèle le matériel funéraire. Le cimetière civil près du camp militaire de Vindonissa a livré l’urne
d’une femme âgée de dix-huit à vingt-cinq ans, incinérée avec
un enfant d’environ trois ans et accompagnée d’un ensemble
d’instruments chirurgicaux.
Une inscription découverte à Lyon témoigne de l’aisance et de
la reconnaissance sociale qu’une femme médecin pouvait
acquérir (fig. 1). Metilia Donata, medica, de naissance libre et
citoyenne romaine, offre « à ses frais » à la cité un monument
imposant (une statue d’Esculape?) élevé sur un socle de près
de trois mètres de long.
Des couples de praticiens ont aussi exercé ensemble l’art médical. Une inscription de Rome nous fait connaître C. Naevius
Philippus, medicus chirurgus, et Naevia Clara, medica philologa. Dans la nécropole de l’Isola sacra à Ostie, deux plaques
en terre cuite étaient disposées de part et d’autre de la porte
d’entrée d’un monument funéraire. Marcus Ulpius Amerimnus,
le mari, semble être figuré en train de pratiquer une saignée sur
la jambe d’un patient, tandis que son épouse, Scribonia Attice,
procède à l’accouchement d’une femme bien installée sur une
chaise obstétricale, telle que la décrit Soranos d’Ephèse dans
son traité Des maladies des femmes (2e s. apr. J.-C.).
moins un médecin pour 750 habitants. Un système de médecins publics est instauré à l’époque impériale pour assurer les
soins de la population dans les cités moins attrayantes que
Rome.
Le comportement du bon médecin
« Je parlerai tout d’abord de la façon dont les médecins doivent entrer chez les malades pour que leur visite leur soit
agréable. Il y a des gens qui s’estiment importunés quand on
vient les voir souvent, et d’autres au contraire qui prennent
plaisir à des visites fréquentes. Certains médecins poussent
l’aberration jusqu’à entrer chez les malades endormis en faisant sonner leurs chaussures et en parlant à voix très haute ;
parfois cela réveille les malades ; ceux-ci sont très fâchés
contre les médecins et disent qu’ils leur ont fait le plus grand
mal. Tout cela, le médecin doit y songer d’avance : il ne doit
pas venir au mauvais moment, ni arriver en trombe, en faisant
beaucoup de bruit, en parlant haut ; il doit soigner sa démarche, son air, et en un mot, tous les autres détails de ce
genre (…).
Le médecin doit veiller à l’attitude de toute sa personne
quand il entre et quand il est assis : n’être pas humble au
point de sembler méprisable, ne pas non plus faire montre
d’orgueil et de jactance. Certains, en effet, entrent et s’asseyent en se redressant et en bombant le torse, d’autres avec
un air efféminé, d’autres encore en faisant des courbettes,
avec une mine humble. Il faut éviter toute exagération et
chercher à garder un juste milieu (…). Pour la même raison, la
tenue vestimentaire, elle aussi, doit être moyenne, ni somptueuse au point que tu passes pour un fat, ni négligée et par
trop modeste (…).
Hippocrate lui-même a indiqué, dans le traité Pour le médecin, quelle longueur doivent avoir les ongles des médecins,
en ajoutant que la longueur convenable est celle qui plaît à
ceux qui les regardent. Il n’est pas nécessaire de parler des
ongles atteints de gale ou de quelque affection semblable, ni
non plus de la pelade ou de la teigne du cuir chevelu ; il est
très laid, pour un médecin, d’être atteint de ces affections,
qui s’écartent de l’ordre de la nature, et aussi d’une arthrite
aiguë ou de quelque autre maladie de ce genre. (…) Certains
médecins ne pensent pas mal faire quand ils sentent l’ail ou
l’oignon en visitant leurs malades.
n
Galien, Hippocrate, Epidémies 6, commentaire 4, 8 (trad. P. Moraux, Galien de
Pergame. Souvenirs d’un médecin, Paris, 1985, p. 114-118)
1 Base en calcaire, Lyon (début 2e s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
Inscription (CIL XIII, 2019) : Metilia Donata medic[a]/ de sua pecunia dedit/
L(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum). « Metilia Donata, médecin, a fait don
(de ce monument) à ses frais. Emplacement donné par décret des décurions.»
(trad. B. Rémy).
2 Stèle funéraire en calcaire de Jaumont (2e s. apr. J.-C.).
n Quelle densité de médecins par habitants ?
Le nombre de praticiens par habitants semble avoir été relativement élevé dans les grandes villes. Une douzaine d’officines
de médecins ont été identifiées à Pompéi qui devait compter
environ 9 000 habitants. Selon ce critère, la ville aurait eu au
Metz, musée archéologique. Inscription (CIL XIII, 4334) : « Fille de […]inus,
medica, femme médecin. »
3 Plaque en marbre, Rome (1er s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
Inscription (CIL VI, 9615) : « Minucia Astte, affranchie de Minucia, medica
femme médecin. »
15
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1
Tombes de médecins en Gaule romaine
Mélanie Lioux et Jacques Santrot
R
ares sont les sépultures qui contiennent des outils permettant d’identifier le métier du défunt. Le sens de la présence d’instruments dans des tombes de médecins nous
échappe encore. Des instruments médicaux spécialisés sont
ainsi associés à des artefacts à caractère sacré voire magique.
Ces dépôts dans lesquels « rationnel » et « irrationnel », naturel
et sacré se côtoient, nous ouvrent une fenêtre unique sur le
savoir-faire du praticien.
n La tombe du « médecin de Paris »
musée Carnavalet, Paris Mélanie Lioux
Parmi les découvertes majeures, la trousse dite « du médecin
de Paris » évoque une pratique médicale courante faite de petite chirurgie et de préparations pharmaceutiques (fig. 2).
L’ensemble constitué de 34 objets et 74 monnaies (antoniniani)
a été mis au jour en 1880. Les monnaies les plus anciennes,
frappées en 270 apr. J.-C., remontent au règne de Victorin,
mais la plupart ont été émises sous le règne de Tétricus Ier et de
Tétricus II (271-274 apr. J.-C.). Les instruments particulièrement
bien conservés étaient contenus dans un bassin circulaire en
bronze. Notons la présence de deux ventouses utilisées en application sèche ou après scarification pour évacuer du sang (ventouse complète, H. 12 cm). Cet instrument emblématique de l’art
médical antique contribue, selon la théorie hippocratique, au rétablissement de l’équilibre des humeurs (sang, bile et phlegme) attirées à la surface de la peau lorsqu’elles sont en excès. Trois
manches de scalpels prolongés d’un côté par une lame mousse
lancéolée (L. 12 cm) étaient fendus de l’autre côté pour recevoir
une seconde lame en fer d’après les traces d’oxydation. On retrouve fréquemment cette combinaison de deux lames pour les
scalpels : la première en bronze non tranchante permet de repousser la chair tandis que la seconde en fer sert à inciser. En
général seul le manche prolongé par la lame mousse en bronze
est conservé. La trousse comporte aussi une sonde-spatule à renflement olivaire, d’usage courant, et une pointe emmanchée. On
rencontre deux instruments spécifiques : une pince à branches
droites, dont le sommet est aplati et recourbé en forme de spatule rainurée, et une grande pince staphylagra à branches croi-
sées autour d’un rivet qui présente des mors concaves dentelés
réservant un espace en position fermée pour saisir la luette
(L. 18,7 cm). Six pinces, toutes différentes (dont deux pinces à
branches droites de type pince à dissection, et deux autres à
mors coudés larges), complètent cet équipement. Certains instruments pouvaient être rangés dans des étuis cylindriques :
quatre des huit étuis retrouvés sont complets (L.9,9 à 14,6 cm).
Pour les préparations pharmaceutiques, un instrument à renflement olivaire permettait d’écraser et de mélanger les ingrédients
sur une tablette en marbre jaune. Les médicaments réduits en
poudre pouvaient être administrés grâce à l’insufflateur (tube en
2
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laiton : L. 16,9 cm) ou incorporés à un excipient et dissous. Une
petite louche à bec latéral (L. 16,6 cm) servait à verser les préparations liquides. La trousse comporte encore une fourchette à
trois dents, formées de fils de bronze martelés puis torsadés, et
une boîte en bronze rectangulaire à deux compartiments avec un
couvercle coulissant (décor d’animaux plaqué en argent) destinée à ranger les préparations solides. Restent une bélière à anneau de fixation et deux boucles (appartenant à une trousse en
cuir ?). Une petite pierre noire polie qui a peut-être fonction
d’amulette accompagnait enfin l’ensemble.
ments. Ce constat invite à la prudence quant à l’interprétation
des noms relevés dans un corpus de plus de 300 cachets découverts principalement en Gaule et en Germanie.
3
n La tombe du médecin de Reims
musée d’archéologie nationale, Saint Germain-en-Laye
Mélanie Lioux
L’ensemble exceptionnel découvert en 1854 à Reims, faubourg
du Laon, avait été déposé dans une tombe à incinération datée
de la fin du 2e ou du début du 3e s. apr. J.-C. d’après les deux
monnaies d’Antonin le Pieux et de Marc Aurèle retrouvées dans
la fosse (fig. 3). Le matériel était contenu dans un coffret en bois
dont il ne reste que la poignée en bronze et la serrure en fer.
Parmi les instruments chirurgicaux, la trousse compte six manches
de scalpels en bronze (comme dans la trousse « du médecin de
Paris », cinq de ces manches se terminent par une lame mousse
lancéolée (L. 10 à 12 cm) ; trois sont décorés d’incrustations en
argent) et quatre érignes, crochets fins et pointus qui permettent
notamment de rétracter les bords d’une plaie. Deux de ces
érignes présentent une extrémité coudée et aplatie en forme de
losange pour servir de spatule. On observe sur un lot de neuf
autres manches d’instruments en bronze un orifice circulaire
percé à environ 1 cm de profondeur. L’orifice est trop étroit pour
y fixer une lame de bistouri mais peut recevoir une tête d’aiguille
ou un cautère effilé en fer. Il s’agirait d’aiguilles emmanchées,
bien adaptées à des opérations ophtalmologiques comme celle
de la cataracte, par abaissement du cristallin opacifié (opération
décrite par Celse au 1er s. apr. J.-C.). La présence d’un cachet
d’oculiste qui porte l’inscription G FIRM SEVER DIASMYR (collyre « à la myrrhe de Gaius Firminus Severus ») et de petits pains
de collyres vient conforter cette hypothèse. L’un des manches se
termine par un renflement olivaire qui peut servir de sonde pour
repousser les paupières ou examiner une plaie. Quatre autres
manches de section polygonale sont fendus pour recevoir une
lame, probablement de bistouri. Une sonde-spatule, un instrument double se terminant également par un renflement olivaire
qui a pu servir de sonde et de cautère, ainsi que sept pinces fines
complètent enfin ce nécessaire chirurgical (L. 11,2 à 16,7 cm).
Pour la préparation des médicaments, on trouve deux balances
de précision : une balance à plateaux dont il ne manque que les
chaînettes (L. 27 cm) et une magnifique balance « romaine »,
dont les crochets permettent de suspendre des récipients
comme cette petite cruche en fer dotée d’un anneau de suspension (D. 8,4 cm) (fig. 1). Deux coupes hémisphériques et une coupelle à fond plat permettaient de mélanger substances actives et
excipients. Enfin, les quelque vingt fragments de collyres conservés sont tous estampillés (certains du nom de Marcellinus que
l’on retrouve sur un cachet d’Amiens), mais aucun ne porte le
nom inscrit sur le cachet en stéatite : Gaius Firminus Severus, en
qui on aimerait voir le médecin oculiste enterré avec ses instru-
n La trousse d’oculiste de Saint-Privat-d’Allier
musée Crozatier, Le Puy-en-Velay
Mélanie Lioux
Le mobilier plus modeste de la sépulture à incinération de SaintPrivat-d’Allier renfermait également un cachet d’oculiste gravé
au nom de Sextus Pollenius Sol(l)emnis (fig. 6). Un dépôt monétaire de quinze monnaies allant des Flaviens jusqu’à Gallien (vers
260-268 apr. J.-C.) permet de dater l’enfouissement de la fin du
3e s. apr. J.-C. La sépulture a été mise au jour au lieu-dit de
17
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Aucun collyre n’a été retrouvé, mais le cachet qui porte le nom
de Sextus Pollenius Sol(l)emnis indique sur les côtés quatre traitements différents : « à la myrrhe » (un collyre à base de myrrhe
est aussi mentionné sur le cachet de Reims), « aux écailles de
cuivre », « à la chélidoine », et « à l’hématite ». Ces instruments
d’usage chirurgical ou pharmaceutique côtoient des sortes
d’amulettes : trois silex taillés (grattoirs) et une rondelle en pâte
vitrifiée de 3 cm de diamètre.
6
5
Inscription
Sex(tus) Polle(lius) Sol/lem(nis) chel(idonium) ad cal(iginem)
« Collyre à base de chélidoine contre l’obscurcissement de la vue »
n La tombe d’un oculiste à Saint-Médard-des-Prés
musée de Fontenay-le-Comte (Vendée) Jacques Santrot
« J’avais sous les yeux le tombeau d’une femme artiste galloromaine du 3e siècle, contemporaine de Posthume, dont le
squelette était entouré de tous les instruments de son art. »
Benjamin Fillon, 1849
Fonviel, à proximité d’une voie romaine (fig. 4). À côté des
fragments d’urnes, se trouvait un jeu de sept instruments médicaux. Parmi les instruments d’usage courant en bronze, tels que
la sonde-spatule à renflement olivaire, on trouve quatre manches
de scalpels se prolongeant toujours d’un côté par une lame
mousse lancéolée : de l’autre côté, l’un d’entre eux a conservé en
place un fragment de la seconde lame en fer (fig. 5). Deux de ces
manches présentent un décor particulièrement fin, réalisé à
l’aide d’incrustations d’argent formant des motifs concentriques
qui se poursuivent le long de la nervure médiane de la spatule.
Deux instruments en fer appartiennent aussi à cette trousse médicale : le premier, atypique, est un compas utile selon les indications de Celse pour prendre des mesures lors d’incisions délicates de la paupière ou de la cornée. Les branches sont
actionnées par un rivet en bronze. Il est plus difficile de déterminer l’usage du second instrument en fer, fragmentaire. Il peut s’agir
d’une pince : la seule branche conservée s’évase à l’extrémité.
En 1847, des notables fouillèrent à Saint-Médard-des-Prés (Vendée)
la vaste tombe d’un défunt inhumé avec un riche mobilier (fig. 7).
De petite taille, le squelette a été considéré comme celui d’une
jeune femme par l’un des fouilleurs, médecin aliéniste, mais rien,
parmi les objets, ne vient confirmer une attribution féminine.
Autour du cercueil, près de quatre-vingts vases en verre étaient
disposés avec six petites amphores, trois plats en céramique
commune, deux petits mortiers d’albâtre et de marbre blanc
avec leur broyon de marbre et de cristal de roche, deux malles
remplies de tissus et deux coffrets contenant divers instruments
précieux. Dans ce mobilier, des pastilles colorées considérées
comme des pigments conduisirent les fouilleurs à interpréter la
tombe comme la sépulture d’une artiste, peintre de chevalet et
décoratrice des murs de sa villa. Le mortier et le broyon d’origine
étant dégradés, le fouilleur les a subrepticement remplacés par
des objets similaires mais mieux conservés…
En bronze partiellement argenté, la « boîte à couleurs » contenait, en réalité, des collyres semblables à ceux de la nécropole
18
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7
de La Favorite, à Lyon (voir chap. La trousse d’oculiste de Lyon). Comme
à Lyon, la boîte de Saint-Médard voisinait avec un étui cylindrique et deux fines cuillères de bronze à olive, et une tablette à
broyer en pierre fine vert sombre. Un petit godet hémisphérique
en bronze et deux cuillères torsadées en cristal de roche, sans
équivalent connu, complétaient cet ensemble. Conservés dans
le même coffret de fer avec deux « manches de pinceau » ( ? )
plats en os et deux cônes d’ambre jaune à usage thérapeutique,
perdus, ces instruments permettaient de prélever, broyer, mélanger et administrer de très petites quantités de produits. Il y avait
encore un canif (ou scalpel ?) pliant, au manche cannelé en cèdre
tourné.
Parmi les verres conservés, Laudine Robin (Université de Lyon) a
étudié vingt bouteilles ou pots de formes et capacités diverses,
trente-cinq « balsamaires » au long col étroit diminuant les risques
d’oxydation, et un « calice », probable vase à boire. Cet ensemble
cohérent permet de dater l’enfouissement du 2e siècle (peut-être
de la seconde moitié). Un balsamaire jaune marbré de blanc, de
la seconde moitié du 1er ou du début du 2e siècle, et datant au
moins de l’arrière-grand-père du défunt, a été trouvé entre les
jambes du squelette. Étanches par nature, plusieurs de ces récipients étaient fermés de bouchons de bois renforcés de lames
de cuivre ou de métal blanc (étain ?). Beaucoup conservaient encore des « matières » que Fillon fit analyser par Chevreul, le pionnier de la chimie organique et des couleurs. Il s’agit de composés
complexes à base d’huile et de résines chauffées.
Ces objets n’ont rien à voir avec les offrandes alimentaires d’un
banquet funèbre. À côté des malles de vêtements ou de linge à
usage médical, ils se rapportent à la profession du défunt, un
médecin-pharmacien, spécialisé dans les soins oculaires, inhumé
avec sa trousse, ses préparations ophtalmiques et ses réserves
d’excipients et de principes actifs. C’est un ensemble rare et
coûteux dont plusieurs pièces sont habituellement attribuées à
un usage cosmétique alors qu’ils sont peut-être plus spécifiques
de l’ophtalmologie.
1 Balance « romaine » (statère) en bronze, trousse d’oculiste, Reims
(fin du 2e s. - début du 3e s. apr. J.-C.). Saint-Germain-en-Laye,
musée d’archéologie nationale.
2 Trousse de chirurgien-médecin, Paris (fin du 3e s. apr. J.-C.).
Paris, musée Carnavalet.
3 Trousse d’oculiste, Reims (fin du 2e s. - début du 3e s. apr. J.-C.).
Saint-Germain-en-Laye, musée d’archéologie nationale.
4 Trousse d’oculiste, Saint-Privat-d’Allier (fin du 3e s. apr. J.-C.).
Le Puy-en-Velay, musée Crozatier.
5 Détail d’un manche de scalpel de la trousse d’oculiste, Saint-Privat-d’Allier (fin
du 3e s. apr. J.-C.). Le Puy-en-Velay, musée Crozatier.
6 Cachet à collyre en serpentine de la trousse d’oculiste, Saint-Privat-d’Allier (fin
du 3e s. apr. J.-C.). Le Puy-en-Velay, musée Crozatier.
7 Mobilier conservé de la tombe de Saint-Médard-des-Prés (2e s. apr. J.-C.).
Musée de Fontenay-le-Comte.
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1
Anatomie et thérapeutique
Véronique Dasen
Q
uand le régime alimentaire ne suffit pas à rétablir l’équilibre
des fluides corporels, le médecin recourt à des moyens
plus énergiques. Purgatifs et vomitifs évacuent les excès d’humeur par le bas ou par le haut, la pose de ventouses (fig. 1) permet de dévier les accumulations nocives, tandis que la saignée
élimine le surplus de sang. Cette thérapeutique humorale va rester en vigueur dans la médecine occidentale jusqu’au 18e siècle.
n Anatomie et physiologie
L’anatomie et la physiologie du corps humain sont essentiellement connues par analogie avec les animaux. Les premières
dissections humaines sont menées par Hérophile de Chalcédoine
et Érasistrate de Cos à Alexandrie vers 280 av. J.-C. Les souverains Ptolémées leur auraient même fourni des condamnés à
mort pour procéder à des vivisections. À leur suite, Galien
opère de nombreuses dissections, souvent publiques, sur des
singes et d’autres mammifères, parfois vivants. Il fait des découvertes remarquables, notamment sur le fonctionnement du
système nerveux, les rapports entre les muscles et les nerfs, la
respiration et le sang.
« Si, à de multiples reprises, tu as observé sur des singes la
place et la dimension de chaque tendon et de chaque nerf, tu
en garderas un souvenir précis, et si tu as un jour la faculté de
travailler sur un corps humain, tu auras tôt fait de retrouver
chaque organe tel que tu l’as observé. » Galien, La composition
des médicaments, d’après leur genre (trad. P. Moraux, Galien de Pergame.
Souvenirs d’un médecin, Paris, 1985, p. 112)
n La chirurgie
La petite chirurgie est largement pratiquée : opération des
calculs, hernies, fistules, trépanation, extraction des projectiles,
soin des plaies ouvertes. Des opérations plus importantes sont
très risquées, faute de bien maîtriser l’anesthésie et l’asepsie.
La circulation du sang ne sera découverte par William Harvey
qu’en 1628.
« Chez ce jeune garçon, la partie (du péricarde) contiguë au
sternum était nécrosée. On pouvait observer son cœur aussi
clairement que dans les dissections d’animaux, quand on l’a
volontairement mis à nu. Le jeune homme fut sauvé: les tissus
des parties voisines du sternum se renourrirent et se ressoudèrent; ils formèrent pour le cœur une couverture comparable à
ce qu’était antérieurement la pointe du péricarde. Il n’y a pas
lieu de s’étonner que le garçon s’en soit bien tiré, bien que son
cœur ait été mis à nu. Son affection, en effet, n’avait rien de
plus grave que les banales perforations du thorax. Une lésion
du péricarde ne représente d’ailleurs pas un danger particulièrement grave, comme l’ont dit Hérophile et de nombreux
autres médecins. Aussi bien le jeune garçon en question fut-il
complètement guéri; il ne se trouva nullement entravé dans
son activité. Il en alla de même pour les animaux sur lesquels
nous pratiquâmes le même genre d’opération. » Galien, Les doctrines d’Hippocrate et de Platon 1, 5, 181 (trad. P. Moraux, Galien de Pergame.
Souvenirs d’un médecin, Paris, 1985, p. 122-123)
n Les maladies des yeux
La chirurgie oculaire, et l’ophtalmologie en général, constituent
des domaines remarquablement bien développés dès le 1er siècle
avant notre ère. Celse (De la médecine 6, 7) consacre un chapitre
entier à cette discipline.
Plus de 35 inscriptions nous donnent les noms de medici ocularii.
L’étude du matériel archéologique permet d’appréhender plus
concrètement leur pratique. Une tombe à incinération de Lyon a
livré un ensemble d’objets caractéristiques (chap. La trousse d’oculiste
de Lyon): une tablette à broyer en schiste à bords biseautés pour
préparer les médicaments, un étui en laiton contenant trois instruments pour les appliquer (cuilléron à extrémités olivaires, spatule,
instrument à extrémité lenticulaire), et une boîte en laiton contenant vingt pains de médicament estampillés, des collyres à dissoudre dans des liquides. Le choix du métal de la boîte, généralement en laiton ou en bronze, n’est pas anodin. Oribase (4e s. apr.
J.-C.) l’explique: «Après avoir pétri le collyre, il faut le conserver
dans un récipient en bronze car le bronze améliore les médicaments oculaires.» ( Collections médicales 10, 23 ; trad. Ch. Daremberg et U. C.
Bussemaker II, Paris, 1954, p. 435-436 ). L’abaissement de la cataracte
semble avoir été réalisé avec des aiguilles fines et pointues, parfois
munies d’une tige interne coulissante.
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n Les cachets à collyre
Les cachets en pierre, de forme carrée ou rectangulaire, servant
à estampiller les collyres pour les yeux livrent de véritables «ordonnances». Plus de 300 exemplaires ont été recensés. Les inscriptions, d’ordinaire en latin, sont gravées en creux et de manière rétrograde le long de la tranche afin d’être lues imprimées.
Elles donnent le nom abrégé du praticien ou de l’inventeur de la
recette, la composition du médicament, son usage et son mode
d’application (fig. 2). La richesse pharmacologique des remèdes
est confirmée par les textes qui peuvent énumérer plus de vingt
substances, principalement des végétaux (myrrhe, pavot, safran,
suc de baumier, verveine…), des minéraux et des métaux (cuivre,
fer, or, plomb, zinc, arsenic, hématite, manganèse…).
2
3
Inscription (CIL XIII, 5079)
Inscription
Q(uinti) Post(umii) Hermetis / chloron ad epiph(oras)
«Collyre vert de Q. Postumius Hermès contre le larmoiement»
Q(uinti) Post(umii) Hermetis / pelagin(um) ad clari(tatem)
«Collyre pélagin de Q. Postumius Hermès pour éclaircir la vue»
Le commerce florissant de ces collyres estampillés tient probablement au fait que l’art de fabriquer ses propres médicaments n’était
pas à la portée de tous, comme le déplore Pline l’Ancien:
« Or, tous ces produits, les médecins les ignorent, soit dit sans
les offenser. La plupart d’entre eux en ignorent même les
noms, tant s’en faut qu’ils sachent en préparer les médicaments, ce qui était autrefois l’objet propre de la médecine.
Aujourd’hui, chaque fois qu’ils tombent sur un livre de remèdes et qu’ils veulent composer d’après ces prescriptions
quelque médicament, c’est-à-dire faire l’épreuve du cahier
de remèdes aux dépens des malheureux malades, ils se fient
à Séplasia qui gâte tout par ses fraudes. Ils achètent tout faits
aujourd’hui leurs emplâtres et leurs collyres, et c’est ainsi
qu’on écoule les drogues avariées ou les contre-façons de
Séplasia ». Pline, Histoire naturelle 34, 108 (trad. H. Le Bonniec, CUF)
Numinib(us) Aug(ustorum) / et genio col(oniae) Hel(uetiorum)/ Apollini
sacr(um) / Q(uintus) Postum(ius) Hyginus / et Postum(ius) Hermes lib(ertus)
medicis et professorib(us) / d(e) s(uo) d(ederunt)
« Aux divinités protectrices des empereurs et au Génie de la colonie des
Helvètes, consacré à Apollon. Quintus Postumius Hyginus et Postumius
Hermès, son affranchi, ont offert (cet autel) à leurs frais aux médecins et professeurs. » (trad. A. Bielman et R. Frei-Stolba)
1 Ventouse en bronze, Martigny, insula 1 (2e s. apr. J.-C.). Martigny, Service archéologique et Fondation Pierre Gianada, musée archéologique.
2 Cachet à collyre en stéatite, Vidy (2e s. apr. J.-C.).
Musée romain de Lausanne-Vidy.
3 Autel en calcaire, Avenches (2e s. apr. J.-C.). Avenches, musée romain.
n Un collège de médecins à Avenches ?
Le nom de Quintus Postumius Hermès, gravé sur le cachet à
collyre de Vidy, se retrouve sur l’inscription d’un autel d’Avenches
(fig. 3) qui semble témoigner de l’existence d’un collège ou association de médecins qui se réunissaient à Aventicum. On y apprend
que Postumius Hermès est l’affranchi de Quintus Postumius
Hyginus, probablement tous deux médecins, et qu’ils offrent aux
médecins et aux professeurs, un terme qui peut désigner une activité d’enseignement, un autel consacré à Apollon, dieu guérisseur et père d’Asclépios/Esculape.
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1
Les instruments du médecin
Pascal Bader
À
côté des plantes et des substances médicinales, les médecins romains utilisent de nombreux instruments spécialisés
pour exercer leur métier.
n La typologie
De forme et de matériau différents, les instruments médicaux
peuvent être classés en plusieurs types grâce aux découvertes
archéologiques et aux témoignages des auteurs antiques
(Corpus hippocratique, Celse, Galien, Paul d’Egine…). Leur variété reflète la diversité des pratiques médicales (chirurgie,
ophtalmologie, odontologie, urologie/gynécologie, médecine
vétérinaire…), souvent liées à la chirurgie.
n La ventouse, emblème de l’art médical
La ventouse (cucurbitula) peut être considérée comme l’emblème de la profession médicale, symbolisant le métier du défunt sur les stèles funéraires grecques et romaines (fig. 1, chap. La
médecine grecque). Elle se présente sous la forme d’une cloche se
terminant par un goulot (fig. 1, chap. Anatomie et thérapeutique). Certaines ventouses ont un anneau qui facilite leur maniement et qui
permet de les suspendre sur un support. Les ventouses sont
d’ordinaire appliquées afin d’attirer les humeurs en excès.
les médecins utilisaient différentes pinces chirurgicales (forceps) ou pincettes (vulsella, volsella) en fonction de la taille de
l’élément à enlever (fig. 6). Pour l’extraction des flèches et
d’autres traits, Celse (De la médecine 7, 5, 3) conseille un instrument particulier qu’il nomme « cuillère de Dioclès », du nom
de son inventeur, un médecin grec du 4e s. av. J.-C. (Diokleios
kuathiskos). Cet instrument se présente sous la forme d’une
large lame se terminant en forme de cuillère percée, munie de
deux crochets à son extrémité supérieure (fig. 2). Le cautère (ferrum candens), rarement découvert, était utilisé pour « couper le
cheminement du mal ».
2
« Ce que les médicaments ne guérissent pas, le fer le guérit ;
ce que le fer ne guérit pas, le feu le guérit ; ce que le feu ne
guérit pas doit être regardé comme incurable. » Hippocrate,
Aphorismes 7, 87 (trad. É. Littré, Hippocrate, Œuvres complètes IV, Paris,
Les instruments chirurgicaux
Le scalpel (scalpellus, scalper, culter) est l’instrument de base
pour toute opération chirurgicale. Il se présente généralement
sous l’aspect d’un manche en bronze en forme de spatule avec
une fente pour insérer une lame en fer (fig. 1). La lame est large
ou étroite, pointue ou émoussée, en fonction du type d’opération. À côté des scalpels, les médecins ont aussi recours à des
bistouris et à des ciseaux (forfex). La lancette ou phlébotome
(phlebotomum) sert aux saignées. En cas d’opérations chirurgicales plus importantes, notamment des os, les médecins ont à
leur disposition des instruments spécifiques : des scies (serrula)
pour les amputations, des trépans (modiolus) composés d’un
arc et d’une scie cylindrique pour les trépanations, ainsi que
des leviers (elevatorium) pour les luxations et les réductions de
fractures. Pour retirer des corps étrangers de plaies ouvertes,
n
1844, p. 609)
Les soins dentaires et buccaux sont limités. Il s’agit avant tout
d’extraction de dent à l’aide de pinces (odontagra, rizagra, forceps) (fig. 4, chap.La médecine militaire) et d’opérations plus importantes, comme celle de la luette, à l’aide d’une longue pince à
branches incurvées ou droites, à l’extrémité élargie et dentée
(staphulagra, forceps).
Les médecins romains disposent également d’instruments spécialisés pour les interventions urologiques et gynécologiques.
L’emploi de lithotomes (lithotomon) et de crochets (lithoulkos) est
attesté pour la lithotomie ou opération des calculs rénaux, ainsi
que de cathéters (fistula) pour le sondage urinaire. Les specula
anaux (speculum) et vaginaux (speculum magnum matricis) (fig. 3)
comptent parmi les instruments les plus complexes et les plus évolués de l’ensemble de l’instrumentarium du médecin romain.
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tions, comme Agathangelus qui semble avoir été un spécialiste
dans la production de pincettes. Plusieurs pincettes avec un
sceau identique (AGATHANGELUSF) ont été découvertes en
divers endroits de l’empire éloignés les uns des autres : en
Campanie, en Gaule, en Germanie, en Rhétie, en Norique et en
Bretagne (fig. 6). Les médecins commandent les instruments
adaptés à leurs besoins auprès d’artisans spécialisés :
« (Et tu disais t’étonner) de ce que j’aie supporté sans chagrin,
lors de l’incendie, la destruction (…) des outils que j’avais découverts qui faisaient partie des instruments dont je façonnais moi-même les modèles en cire et les donnais à réaliser
aux forgerons, de sorte qu’il n’est plus possible d’en obtenir
sans beaucoup de temps et un important labeur. » (Galien, Sur
l’inutilité de se chagriner 4-5)
3
n La préparation des médicaments
Les médecins romains fabriquent souvent eux-mêmes leurs
médicaments grâce à des outils variés: des broyeurs et tablettes
à broyer, des mortiers, des pincettes (vulsella, volsella), ainsi que
des sondes de différentes formes, comme les sondes-spatules
(spathomela) (fig. 5) ou les sondes-cuillères (cyathiscomela) (fig. 4).
L’identification de leur usage est parfois incertaine car ces objets
sont aussi utilisés dans la vie quotidienne pour les soins corporels
(épilation, fabrication et application de fard…).
n Indicateur d’espaces de soins
La découverte d’instruments médicaux, le plus souvent dans
des contextes funéraires, mais également dans des contextes
militaires ou civils (maisons privées, thermes, sanctuaires…), est
l’un des meilleurs indicateurs d’espaces de soins pour les archéologues et les historiens.
6
1 Scalpel avec lame, alliage de cuivre/fer-acier, Pompéi (1er s. apr. J.-C.).
Naples, musée archéologique national.
2 « Cuillère de Dioclès» en alliage de cuivre, Éphèse (?)
4
Son authenticité est débattue. Jena, Medizinhistorische Sammlung Meyer-Steineg.
3 Speculum quadrivalve, Pompéi, Maison du nouveau médecin I
(1er s. apr. J.-C.). Naples, musée archéologique national.
4 Sonde-cuillère en bronze, région lyonnaise (époque gallo-romaine).
5
Lyon, musée gallo-romain.
5 Sonde-spatule en bronze, région lyonnaise (époque gallo-romaine).
Trousses, étuis et boîtes de rangement
Le médecin peut ranger ses instruments dans différentes sortes
de trousses et d’étuis. L’étui cylindrique allongé, fermé par un
couvercle permet de transporter les objets fins comme les
sondes, les aiguilles ou les crochets. Les instruments plus larges
sont rangés dans des étuis rectangulaires en cuir ou dans des
boîtes plus grandes. Quant aux médicaments, ils sont souvent
stockés dans des boîtes rectangulaires en métal ou en ivoire
dotées de compartiments séparant les différents produits et
refermées par un couvercle coulissant (fig. chap. La trousse d’oculiste
de Lyon et chap. Une boîte à médicaments en ivoire).
n
Lyon, musée gallo-romain.
6 Pincette en alliage de cuivre (1er s. apr. J.-C.). Inscription : AGATHANGELUSF,
« Agathangelus l’a fabriqué.» Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz.
n La fabrication des instruments
La plupart des instruments découverts sont en bronze, mais ils
peuvent être en fer, en cuivre, en os, en ivoire et même en or
ou en argent. Leur qualité et la complexité de certains d’entre
eux laissent penser qu’ils étaient réalisés par des artisans spécialisés. On sait peu de choses sur ces fabricants car ils ne signaient généralement pas leur production, à de rares excep-
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1
La trousse d’oculiste de Lyon
Docteur Jacques Voinot
L
a trousse médicale découverte en 1983 dans une tombe à
incinération de la nécropole gallo-romaine située rue de la
Favorite (Lyon 5e) est datée du début du 3e siècle de notre ère.
Ce genre d’objet est rarissime, on en connaît moins de vingtcinq exemplaires dans tout le monde romain.
Elle se compose d’un petit coffret en laiton divisé en quatre
compartiments, fermés par de petits couvercles, qui contiennent une vingtaine de bâtonnets de collyres antiques. La face
inférieure du coffret est creusée d’une cupule. À côté se trouve
un étui tubulaire contenant trois instruments : une spatule et
une cuillère, terminées par un bout olivaire, et un petit cuilleron. Une tablette de schiste ardoisier recouvrait le tout dans la
tombe.
Les collyres contenus dans le coffret ont la forme de petits
pains ; on les marquait avec un cachet pour les reconnaître.
Ceux de cette trousse portent le nom grec d’un homme,
Smaragdos et plusieurs noms de médicaments, par exemple :
dialibanon : l’encens, crocodes : le safran.
L’analyse chimique des bâtonnets a montré qu’ils contenaient :
des sels métalliques de plomb, de cuivre ou de zinc (au 19e
siècle on utilisait encore des collyres, liquides, à base de sels de
cuivre ou de zinc) ; des pollens permettant d’identifier des
plantes médicinales telles que l‘armoise ou l’euphrasie (en médecine populaire l’euphrasie s’appelle « casse-lunettes ») ; enfin
de la gomme arabique, en notable proportion, qui servait de
liant lors de la préparation.
On est donc en présence du coffret d’un oculiste avec ce qui
est nécessaire pour préparer et appliquer les collyres. La spatule (specillum) servait par exemple à écraser les collyres sur la
tablette de schiste, à les malaxer dans la cupule avec de l’eau,
ou mieux, du blanc d’œuf et le bout olivaire permettait d’appliquer cette préparation délicatement sous la paupière.
3
1 Coffret d’oculiste, instruments avec leur étui, et cachets à collyre, Lyon
(fin 2e s. - début 3e s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
2
2 Le coffret au moment de la découverte.
3 Le coffret restauré. Lyon, musée gallo-romain.
24
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1a
1b
Une boîte à médicaments en ivoire
Véronique Dasen
D
ifférentes sortes de boîtes, de forme cylindrique ou rectangulaire, constituent l’équipement du médecin romain. Elles lui
permettent de transporter des instruments ainsi que des médicaments. Les instruments de chirurgie sont d’ordinaire soigneusement rangés dans une trousse plate, représentée ouverte sur plusieurs reliefs funéraires et votifs (fig. 2, chap. La médecine grecque).
D’autres boîtes, fermées par un couvercle à glissière, comportent
de petits compartiments où sont stockés des pilules et autres médicaments secs. Ces coffrets à médicaments sont souvent associés
à l’activité d’oculistes, comme l’atteste la découverte de la boîte
de la rue de la Favorite à Lyon qui contenait une vingtaine de pains
de collyre (chap. La trousse d’oculiste de Lyon).
Fabriquées entre le 1er s. av. J.-C. et le 4e siècle de notre ère, la
plupart des boîtes conservées sont en bois ou en bronze, plus
rarement en os ou en ivoire. Quelques boîtes en ivoire, au fond
semi-cylindrique, ont été conservées grâce à leur transformation en reliquaire. De minuscules fragments d’os, emballés
dans de la soie, se trouvaient encore dans les six casiers de
celle de Coire.
Des témoignages littéraires se rapportent au goût pour ces objets précieux qui pouvaient constituer un cadeau de prix :
« Boîte à remèdes (narthecium). Tu vois les boîtes à remèdes en
ivoire nécessaires à l’art d’un médecin : tu auras là un présent que
le médecin Paccius souhaiterait sien. » (Martial, Épigrammes 14, 78).
Lucien, un contemporain de Galien (2e s. apr. J.-C.), critique la
vanité des médecins qui collectionnent ce genre d’objets coûteux pour impressionner leurs patients :
« Tu crois, sans doute, remédier à ton ignorance, la déguiser
sous l’apparence de l’érudition, nous imposer par le nombre de
tes livres ; mais tu ne sais pas que les médecins les plus ignorants
usent du même expédient que toi. Ils se font faire des boîtes
d’ivoire, des ventouses d’argent, des lancettes incrustées d’or ;
puis, quand il faut s’en servir, ils ne savent pas comment les manier, tandis que le premier praticien venu, avec une lancette
bien affilée, quoique couverte de rouille, délivre le malade de
ses souffrances. » (Contre un ignorant bibliomane 29)
La boîte de Coire porte en bas-relief l’image d’Esculape debout devant une arcade reposant sur des colonnes torsadées ;
drapé dans un manteau qui découvre son torse athlétique, le
dieu s’appuie sur un bâton autour duquel s’enroule un serpent,
et tient dans la main gauche un livre sur lequel est gravé une
croix de Saint-André.
À l’époque impériale, ce genre de décor place l’activité du médecin sous la protection divine d’Esculape et d’Hygie. Aux environs de 400, l’utilisation de ces images ne renseigne pas nécessairement sur la religion du médecin à qui appartient le
coffret. La figure d’Esculape sert alors probablement d’image
emblématique de la profession.
1a-c Boîte à médicaments en ivoire (vers 400 apr. J.-C.), convertie en reliquaire.
Coire, musée de la cathédrale.
1c
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1
La médecine militaire
Pascal Bader
L
e métier des armes était particulièrement exposé aux blessures, maladies et épidémies. L’armée romaine comprit très tôt
qu’il était nécessaire d’avoir un service de santé élaboré afin d’assurer à ses troupes une bonne santé et une hygiène appropriée.
2
Inscription (CIL XIII, 1833)
« Aux dieux Mânes de Marcus Aquinius Verinus, gardien de la prison de la
treizième cohorte urbaine. Bononius Gordus, médecin du camp (medicus
castrensis), et Maccius Modestus et Iulius Maternus, soldats, ses héritiers,
ont pris soin de faire élever (ce monument). » (trad. B. Rémy)
n Un corps médical spécialisé
À l’époque romaine impériale, tous les corps de troupe de l’armée
avaient dans leurs rangs du personnel médical (fig. 2). D’après les
inscriptions, on estime que les légions et les corps auxiliaires devaient compter un médecin pour environ 500 hommes. Dans son
traité De l’art militaire 2,10, Végèce (4e s. apr. J.-C.) indique que
le praefectus castrorum était responsable des médecins, des soldats malades, ainsi que des dépenses dues aux soins dans les
camps. Le préfet du camp n’intervenait pas directement dans l’organisation des soins. Son adjoint, l’optio valetudinarii, était sans
doute le véritable responsable du fonctionnement, de la surveillance, de l’administration et de l’entretien de l’hôpital.
Les sources épigraphiques nous apprennent que le corps médical était composé de médecins (medici) dont certains étaient
des spécialistes : chirurgien (medicus chirurgus), oculiste (medicus ocularius), vétérinaire (medicus veterinarius). Des aides encadraient les médecins (capsarius, marsus…), alors que d’autres
étaient chargés de l’administration et de l’approvisionnement
du service sanitaire (librarius, pequarius, seplasiarius…).
Le mode de recrutement des médecins était variable. On pouvait engager pour une longue durée des médecins civils qui devenaient des soldats à part entière. On avait également la possibilité d’engager des médecins civils pour une durée limitée de
telle sorte qu’ils ne devenaient pas des soldats au sens strict du
droit. Enfin, le personnel médical qualifié incorporé dans l’armée
pouvait former de simples soldats (discentes capsariorum).
Quel que soit le type de recrutement, les médecins et le personnel
soignant de l’armée semblent avoir eu une solide formation et
beaucoup d’expérience, comme le relèvent plusieurs auteurs antiques, même s’il n’y avait pas de formation médicale standardisée. L’instruction des médecins militaires n’était sans doute guère
différente de celle reçue par les médecins civils, à l’exception de
quelques spécificités dans le domaine de la chirurgie liées aux traitements des blessures de guerre, notamment à l’extraction de
traits. Après avoir terminé leurs années de service, les médecins
pouvaient probablement rester dans l’armée, car leur aide et leur
expérience étaient précieuses. D’autres quittaient la sphère militaire et continuaient à exercer la médecine dans la vie civile.
26
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Une inscription funéraire de Viterbe décrit le parcours de Marcus
Ulpius [Tele]sporus, qui fut d’abord médecin dans une unité de
cavalerie d’une cohorte auxiliaire en Germanie supérieure, puis
en Maurétanie tingitane ; il termina sa carrière médicale dans le
civil dans la cité de Ferentium, près de Rome :
D(is) M(anibus) / M(arco) Ulpio / [Tele]sporo / medico alar(um) /
Indianae et / tertiae Astorum / et salariario / civitatis splendidissimae
/ Ferentiensium / Ulpius Protog[e]nes / lib(ertus) pat(rono) b(ene)
m(erenti) f(ecit).
« Aux Dieux Mânes. À Marcus Ulpius Telesporus, médecin des
ailes Indiana et de la 3e Asturum, et salarié de la très brillante
cité de Ferentium. L’affranchi Ulpius Protogenes a fait (ce monument) à (son) ancien maître, l’ayant bien mérité. »
Corpus Inscriptionum Latinarum XI 3007 (trad. P. Bader)
n Le valetudinarium : un espace de soins
Les médecins et le personnel soignant de l’armée exerçaient
principalement dans le valetudinarium (hôpital), qui permettait
d’accueillir les soldats blessés, malades et convalescents dans
les camps légionnaires et dans les camps auxiliaires les plus
importants. Ces hôpitaux militaires étaient situés aux frontières
de l’Empire romain, notamment sur le Rhin, le Danube, près du
mur d’Hadrien et du mur d’Antonin.
Le premier exemple connu de ce type d’édifice provient d’Haltern, en Germanie (7 av. J.-C. - 9 apr. J.-C.) et remonte au règne
d’Auguste. Les premiers valetudinaria étaient en bois, puis à partir de la fin du règne de Claude et du début de celui de Néron, ils
furent généralement construits en pierre jusqu’à la dynastie des
Sévères. À Vindonissa (fig. 1), le valetudinarium se présente sous la
forme d’un édifice rectangulaire d’un seul étage. La cour intérieure, bordée d’un péristyle, est entourée d’une double rangée
de petites chambres, séparées par un large couloir. Les autres valetudinaria présentent un plan similaire avec des variations dans
leurs dimensions, dans la disposition des pièces et leur emplacement dans le camp. Contrairement aux conseils du Pseudo-Hygin
(Des fortifications du camp 35), ils ne se trouvaient pas toujours
dans un endroit calme, mais souvent près des baraquements, et
quelquefois à proximité d’installations thermales, de greniers,
d’entrepôts et d’ateliers.
La plupart des valetudinaria des camps légionnaires étaient
équipés d’une soixantaine de chambres. Leurs dimensions ne
variaient guère à l’intérieur d’un même hôpital ; elles atteignaient souvent environ 14-18 m², ce qui permettait probablement de placer trois, voire quatre lits par chambre, mais difficilement plus, hormis à Novae en Mésie inférieure où les
chambres étaient plus grandes (25-28 m²), permettant d’installer vraisemblablement cinq ou six lits. Ces chambres étaient
généralement groupées par deux, mais elles ne communiquaient pas entre elles, car elles étaient séparées par un petit
couloir. Ces couloirs perpendiculaires à l’allée principale ne servaient pas seulement à accéder aux chambres, mais les isolaient
afin de les laisser au calme et d’éviter les courants d’air, le froid
et la propagation des maladies. Selon leurs dimensions (entre
4-6 m²), les couloirs pouvaient aussi servir de dépôts pour divers objets utilisés dans les soins comme des instruments médicaux, des bandages ou encore des récipients contenant des
remèdes et des onguents. En cas de nécessité, des parties de
l’hôpital pouvaient être aménagées pour donner des soins et
loger les blessés.
Chaque hôpital devait avoir, près de l’entrée du valetudinarium, une salle réservée aux soins et aux opérations, éclairée et
aérée par la cour intérieure de l’édifice. Les hôpitaux étaient
également équipés de structures pour l’hygiène comme des
latrines et des thermes.
La religion était aussi présente à l’intérieur des hôpitaux militaires, comme le montrent les inscriptions votives dédiées à des
divinités guérisseuses. À Novae, dans la cour intérieure du valetudinarium, un petit temple était dédié à Esculape et à Hygie.
1 Maquette du valetudinarium de Vindonissa (47-70 apr. J.-C.).
Brugg, Römermuseum Vindonissa.
2 Autel en calcaire, Vaise (2e s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
3 Scalpel en bronze avec manche en forme de cuillère, Vindonissa
3
(1er s. apr. J.-C.). Brugg, Römermuseum Vindonissa.
4 Pince de dentiste en bronze, Vindonissa (1er s. apr. J.-C.).
Brugg, Römermuseum Vindonissa.
4
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1
La médecine par les plantes
Brigitte Maire
D
ans l’Antiquité, les végétaux, les animaux et les minéraux
servent d’ingrédients de base pour la préparation des médicaments. Plusieurs traités médicaux sont consacrés à la diététique et à la pharmacie. Les ingrédients végétaux y sont majoritaires. Le renom de trois traités se prolongera jusqu’au
Moyen-Âge, voire au-delà : la Matière médicale de Dioscoride
(1er s. apr. J.-C.), les livres 28 à 30 de l’Histoire naturelle de Pline
l’Ancien (1er s. apr. J.-C.) ainsi que les Remèdes tirés des légumes et des fruits de Gargile Martial (3e s. apr. J.-C.).
n Gargile Martial
La botanique médicale antique offre un arsenal thérapeutique
d’une grande richesse, constitué de nombreuses plantes
aujourd’hui oubliées des laboratoires pharmaceutiques.
Le traité sur les Remèdes tirés des légumes et des fruits de
Gargile Martial se compose de soixante chapitres. Pour chaque
plante ou fruit, l’auteur commence par énoncer la qualité principale du produit (échauffante, refroidissante, resserrante, relâchante…) correspondant à la théorie hippocratique des qualités contraires (chaud/froid, sec/humide) et de l’équilibre des
humeurs. Puis il détaille les parties qu’il convient d’utiliser (racine, graines, jus, pulpe, chair) ; il propose un mode de préparation (cuit, bouilli, brûlé, broyé, en poudre, dilué) et d’application (en gouttes, pastilles, poudre ou cataplasmes). Chaque
plante ou fruit est ensuite mis en relation avec une maladie spécifique, comme le mal de tête, la diarrhée, les vers intestinaux,
les maladies de la peau ou la diminution de la libido.
n Des alicaments aux médicaments
À côté des préparations simples, que les diététiciens d’aujourd’hui
rangeraient sans doute du côté des alicaments, on trouve des recettes plus élaborées qui correspondent à nos médicaments, où
se mêlent différentes substances, végétales, minérales et animales. L’actualité de ces thérapeutiques nous frappe, avec leur
insistance sur une alimentation saine afin de «soigner la santé»,
c’est-à-dire de prévenir toute maladie, telle que la médecine moderne le préconise, en particulier contre le cancer.
La pomme, De malo (Malus sylvestris Mill., famille des Rosacées)
«Dioscoride pensait que les pommes d’été faisaient sécréter
des mucosités, monter la bile en température, provoquaient
des flatulences et n’étaient pas indiquées pour les parties
tendineuses. Pour Galien, il ne faut pas renoncer à toutes les
pommes, mais seulement à celles qui, au goût, sont aqueuses
et à celles qui sont âpres ; selon lui, il faut aussi laisser de côté
celles qui sont acides, ou encore celles qui sont à peine sucrées et dans lesquelles se concentrent en réalité toutes les
caractéristiques aux effets indésirables reprochées à toutes
les variétés. Les pommes âpres, celles qui sont resserrantes
et celles qui se conservent bien en hiver ont aussi, selon
Galien, des caractéristiques qui produisent des effets indésirables. Mais si on cueille ces pommes lorsqu’elles sont mûres
et qu’on les conserve dans de bonnes conditions, elles font
du bien, nous assure Galien, à ceux qui sont affaiblis. Il est
aussi d’avis qu’elles soulagent ceux qui souffrent de maux
d’estomac provoqués par des nausées si, après les avoir enfarinées, on les met à cuire dans de la cendre chaude.
On prépare un médicament bien connu que les Grecs nomment hédrikè avec les plus belles pommes matianes qu’on
puisse trouver. Il sert à soigner diverses grosseurs apparues
sur les parties sexuelles telles que des petits kystes douloureux, des gros boutons, appelés par les médecins hémorroïdes, ou des durillons. Voici comment on prépare ce médicament : on cuit dans un setier de vin une livre de pommes
qu’on a préalablement coupées en morceaux et débarrassées de leur partie ligneuse interne. On ajoute six scrupules
de safran. Après avoir fait cuire l’ensemble jusqu’à obtenir
quelque chose qui ressemble à de la pulpe, il faut pétrir ce
mélange avec de la mie de pain complet aussi longtemps que
nécessaire pour lui donner la consistance molle du cérat. Ce
médicament, une fois qu’il a été appliqué sur les plaies dont
nous avons déjà parlé, les guérit si bien qu’il n’est pas nécessaire de recourir à la chirurgie.
Toujours avec ces pommes, on prépare une pâte médicamenteuse qui sort de l’ordinaire dont voici la recette : cuire des
pommes dans du vin de Falerne, puis mélanger à du miel le
n
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jus obtenu en les pressant. Si on applique sur des plaies des
feuilles de pomme, on peut ainsi éviter un accès de fièvre. Si
l’on broie ces mêmes feuilles avec du nitre et du beurre, on
obtient une préparation qui fait disparaître les inflammations
des glandes salivaires. Si on les sèche et qu’on les fume audessus de charbons ardents, elles font alors fuir les serpents.
On arrive au même résultat avec du jus obtenu après avoir
pressé des pelures de pomme qui, une fois brûlées et réduites en poudre, peuvent aussi être appliquées sur des
plaies béantes dans le but d’y faire croître à nouveau la chair.
Les pelures de pomme, après avoir été broyées avec du miel
et déposées sur la luette, la raffermissent et la redressent. On
guérit les affections des parties sexuelles en les aspergeant
d’un mélange composé de vin et de pelures de pomme.»
âpres ont la propriété de constiper et de fortifier l’estomac.
Les cerises acides conviennent bien, à son avis, à ceux dont
l’estomac est plein de mucosités. Ces cerises exercent en effet une action desséchante plus marquée que les autres, et
favorisent la dissolution de mucosités devenues trop épaisses.
Les cerises douces sont, d’après Galien, mauvaises pour l’estomac, mais elles transitent assez rapidement par les intestins
et ne tardent pas à être évacuées par les selles.» Gargile Martial,
Remèdes tirés des légumes et des fruits (trad. B. Maire, Se soigner par les
plantes. Les « Remèdes » de Gargile Martial, Lausanne, 2007, § 52).
3
Gargile Martial, Remèdes tirés des légumes et des fruits (trad. B. Maire, Se soigner
par les plantes. Les «Remèdes» de Gargile Martial, Lausanne, 2007, § 42).
2
1 Jean Bauhin, Historia plantarum universalis, Yverdon,1650, frontispice.
2 La pomme, De malo (Malus sylvestris Mill., famille des Rosacées).
F. G. Kohl, Die officinellen Pflanzen der Pharmacopea germanica für
Pharmaceuten und Mediciner besprochen und durch originale Abbildungen
erläutert, Leipzig, 1895, pl. 92.
n
La cerise, De cerasio (Prunus avium L., Prunus cerasus L., famille
des Rosacées)
3 La cerise, De cerasio (Prunus avium L., Prunus cerasus L., famille des
Rosacées). F. G. Kohl, ibid., pl. 97.
«Les cerises fraîches apportent au ventre de l‘humidité et le
stimulent, mais elles sont mauvaises pour l‘estomac. Sèches,
elles assèchent le ventre, constipent, mais elles font beaucoup de bien à l‘estomac. Certains pensent que les cerises
font uriner. Si on avale le matin sans les mâcher des cerises
fraîches avec le noyau, beaucoup observent qu’il survient
alors une diarrhée si forte que cela guérit les pieds atteints
par la goutte.
On prépare avec des cerises le diacerasion que tout le monde
connaît. Les cerises n’ont pas, d’après Galien, une seule et
unique propriété. Les unes sont âpres au goût, d’autres
acides, d’autres encore douces. Galien avance que les cerises
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1
Hygiène et soins corporels
Lucinne Rossier
L
es médecins attachent autant d’importance à conserver la
santé qu’à la rétablir. La diététique est une discipline centrale de la médecine. Un traitement préventif, le régime, est
établi selon la constitution, l’âge et le milieu de vie de chaque
individu. Il allie une alimentation saine aux promenades, aux
exercices physiques et aux bains.
n La toilette au masculin et au féminin
La toilette du matin se résume souvent à se rincer le visage et
les mains à l’eau. L’homme aisé se fait raser la barbe par son
tonsor (fig. 1), tandis que l’ornatrix s’occupe de coiffer et maquiller la maîtresse de maison (fig. 2 et 4). De petits nécessaires
portatifs permettent de parfaire en tout lieu sa toilette (fig. 3).
Galien différencie l’art de la toilette, qui vise à entretenir la
beauté naturelle, de l’art du maquillage, qu’il qualifie d’artifice.
La femme applique du rouge (ocre, minium, cinabre) sur ses
joues et ses lèvres, du noir (cendre, antimoine) sur ses yeux et
se blanchit le teint avec de la céruse, du carbonate de plomb
aussi utilisé dans les crèmes et les remèdes. Celse l’inclut dans
diverses préparations contre les morsures, comme emplâtre
pour des blessures ou pour soigner des ulcères des oreilles ou
des narines. La céruse entre aussi dans la composition de quatorze remèdes du médecin Scribonius Largus (1er s. apr. J.-C.).
Aucun témoignage ne nous renseigne sur les soins de propreté
et la toilette intime de la femme, mais de nombreuses croyances
circulent sur les pouvoirs maléfiques du sang menstruel. Une
femme qui a ses règles fait dépérir les semences et les jeunes
2
plantes, tomber les fruits, et mourir les ruches des abeilles ; un
simple regard suffit pour ternir les miroirs et émousser les métaux, explique Pline l’Ancien (Histoire naturelle 7, 64-65).
n Les thermes
Les thermes réunissent toutes les conditions pour l’hygiène du
corps. Après un passage au tepidarium, salle tiède, le baigneur
entre dans l’eau chaude du caldarium, puis se frotte avec un
strigile pour retirer les impuretés. L’alternance du chaud puis du
froid dans le frigidarium a notamment pour but d’expulser les
liquides malsains en provoquant une réaction du corps. Après
les bains, le Romain se fait masser et épiler dans l’unctorium.
Purifiants et fortifiants, les bains sont prescrits pour soigner de
nombreux types de maladies. Souvent luxueux, les thermes
peuvent abriter une palestre où l’on fait de l’exercice physique,
des bibliothèques et des latrines.
n Les Romains avaient-ils des poux ?
L’infestation par les poux est considérée comme une véritable
maladie par les Romains. Pline et Celse la désignent par le nom
grec phtiriasis. Pour soulager les démangeaisons, les Romains
utilisent un scalptorium, petit instrument de toilette servant à
se gratter la peau ou la tête. Le poète Martial nous en donne
une description :
«Cette main (scalptorium) protégera tes omoplates contre les
piqûres d’une puce insupportable, ou de tout insecte plus dégoûtant encore.» Épigrammes 14, 83 (trad. H. J. Izaac, CUF)
La forme particulière des peignes, munis de deux rangées de
dents d’épaisseur différente, était destinée à faciliter l’élimination des poux (fig. 4).
n Les Romains se lavaient-ils les dents ?
S’ils n’avaient pas à proprement parler de brosses à dents, les
Romains se préoccupaient néanmoins de leur hygiène buccale
(fig. 5). Les produits destinés aux soins de la bouche se présentent sous formes variées : boulettes d’anis à mâcher, gomme à
mastiquer, décoction de pavot noir ou de cédrat (l’ancêtre du
citron), sel, miel ou racine de fenouil pour les frictions.
30
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3
D’autres produits peuvent être considérés comme des dentifrices
(dentifricium) servant à laver, raffermir et blanchir les dents, ainsi
qu’aux soins des gencives. Pour se laver les dents, on utilise par
exemple du suc de figuier ou de mûrier, du pavot ou des décoctions de feuilles d’olivier et de mûrier. Du vinaigre de scille, l’aristoloche ou encore des décoctions à base de racine de quintefeuille les raffermissent. Pour garder les dents blanches, on recourt
à l’huile d’olives vertes ou de raisin, à l’orge blanche additionnée
de miel et de sel ou on les frotte avec une racine d’asphodèle.
Les recettes livrées par Pline l’Ancien peuvent se révéler inattendues. Si l’on peut sérieusement douter de leur efficacité, ces
préparations sont le reflet de pratiques populaires, voire
magiques.
«La cendre de corne de cerf, soit en friction soit en collutoire,
consolide les dents ébranlées et calme les douleurs. Certains
estiment que, pour les mêmes usages, la poudre de corne de
cerf non brûlée est plus efficace ; les dentifrices se font de
l’une ou l’autre façon. (…) De plus, la cendre de la tête du
lièvre est employée comme dentifrice ; en y ajoutant du nard,
elle atténue la mauvaise haleine. Quelques-uns préfèrent y
mélanger de la cendre de tête de souris. On trouve dans les
parties latérales du lièvre un os semblable à une aiguille ; il est
conseillé de s’en servir, contre les maux de dents, pour scarifier
(les gencives). L’osselet du bœuf allumé et approché des dents
prêtes à tomber et douloureuses, les consolide ; sa cendre,
avec de la myrrhe, s’utilise comme dentifrice.» Pline l’Ancien,
n Où se soulageait-on ?
Au début du 2e siècle de notre ère, rares sont les particuliers qui
possèdent des latrines privées. Ce sont les domus les plus riches
qui en sont équipées. Les latrines publiques se multiplient donc
dans Rome et, plus tard, dans toutes les cités de l’empire, sur la
voie publique et dans les quartiers les plus fréquentés. Elles présentent souvent un grand luxe ; sièges en marbre avec accoudoirs,
chauffage en hiver, mosaïques, statues de la Fortune ou d’Esculape
dans des niches, fontaine destinée aux ablutions, etc.
Dans les maisons privées, l’installation des latrines est le plus
souvent élémentaire ; il s’agit d’une planche percée posée sur
deux montants, ou même d’un simple trou, placés dans un réduit sous un escalier, ou à proximité de la cuisine. Les systèmes
d’évacuation sont rares ; les fosses sont donc vidangées par
des entreprises privées qui font commerce de ce futur engrais.
Il est possible que ces cloaques aient été utilisés par les esclaves et le personnel de maison, tandis que le propriétaire, sa
famille et ses invités se soulageaient dans des récipients portatifs tels que des pots de chambre (matellae).
Les habitants des insulae, eux, devaient descendre dans la rue
pour vider leurs pots de chambre dans l’égout. Mais, pour raccourcir le trajet, leur contenu était parfois déversé par la
fenêtre.
Dans les rues, des vases (dolia) étaient également mis à disposition
par les foulons pour récolter l’urine qui leur servira d’ammoniac.
L’empereur Vespasien (1er s. apr. J.-C.) introduisit même un impôt
sur l’urine, d’où l’expression «l’argent n’a pas d’odeur».
5
Histoire naturelle 28, 178-179 (trad. A. Ernout, CUF)
1 Rasoir à manche en forme de dauphin (lame en fer, manche en bronze),
des thermes de la rue des Farges, Lyon ( 2e s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
2 Palette à fard en marbre, Lyon (2e s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain.
3 Nécessaire de toilette en bronze : cure-oreille, pincette, grattoir, Lyon (époque
gallo-romaine). Lyon, musée gallo-romain.
4 Peigne en os, montée de la Butte, Lyon (4e s. apr. J.-C.).
Lyon, musée gallo-romain.
5 Cure-dent en argent, Augusta Raurica (fin 2e s. - début 3e s. apr. J.-C.).
4
Römermuseum Augusta Raurica.
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1
Maladies et lieux insalubres
Lucinne Rossier
L
es médecins, conscients de l’impact de l’environnement sur la
santé, se soucient de la qualité de l’air, de l’eau et de l’alimentation. La majorité des Romains vivent dans des insulae, de grandes
maisons à plusieurs étages, construites à la hâte et fragiles. Des
conditions sanitaires précaires contribuent au développement de
maladies et d’épidémies : habitations sans eau courante ni latrines,
manque d’aération et de lumière, présence d’humidité, de vermine
et de parasites, mauvaise évacuation des déchets. À la contamination de l’eau peut s’ajouter la mauvaise conservation des aliments.
n Maladies infectieuses
La méconnaissance des mécanismes de la contagion, une mauvaise
hygiène et la malnutrition favorisent la transmission de maladies
infectieuses (dysenterie, tuberculose), responsables d’un taux de
mortalité infantile très important. Les périodes d’épidémies
(fièvre, malaria, variole, choléra) sont souvent accompagnées de
famines qui aggravent l’état sanitaire de la population. Parmi les
épidémies les mieux documentées figure la «peste antonine» qui
sévit sous le règne de Marc Aurèle (2e s. apr. J.-C.). Les diagnostics rétrospectifs ont permis d’établir que cette «peste» correspond à une épidémie de variole.
n Un air plus sain dans l’Antiquité ?
Dans les grandes villes, l’air est pollué par toutes sortes de fumées
et poussières, évaporations d’égouts, matières en putréfaction
et émanations d’ateliers d’artisans. À l’intérieur des maisons,
mal aérées, les braseros et les foyers servant à cuisiner et à se
réchauffer, ainsi que les moyens d’éclairage (lampes à huile ou
à suif), libèrent des particules fines et des gaz affectant les voies
respiratoires.
n Vivre sans supermarché
Si la table des Romains aisés présente une nourriture riche et
variée, celle de la plupart des citoyens est en majorité constituée de pain, légumes et de bouillies à base de céréales. Rome,
qui dépend des importations de céréales en provenance notamment d’Égypte, connaît des difficultés de stockage dues à
l’humidité et à la présence d’insectes, de rongeurs, de champignons
(ergot). À ces problèmes s’ajoute le mélange des céréales au
moment de la récolte avec des végétaux parasitaires, comme l’ivraie
aux effets toxiques.
La gestion des stocks de nourriture doit donc se faire sans l’aide
précieuse des dates limites de péremption. Le pain est souvent
avarié voire impropre à la consommation. De plus, il est rarement consommé frais.
Quant aux aliments comme les fruits, les légumes ou la viande,
ils sont souvent altérés par la chaleur et le manque d’hygiène, ou
contaminés par différents insectes, mouches ou larves. Les nombreuses bactéries et salmonelles qui se développent provoquent
des infections respiratoires et intestinales ou des maladies
comme le choléra.
n Le travail, un milieu dangereux ?
Les conditions de travail sont souvent très éprouvantes physiquement, voire dangereuses. Dans les fouleries (fullonica), on
utilise l’ammoniac de l’urine pour dégraisser le linge, de l’alun
et du soufre pour le teindre ou le blanchir.
Le textile est une véritable industrie à l’époque romaine. Il
existe de petits ateliers pour les réparations de vêtements,
mais également d’immenses installations quasi industrielles,
comme celle retrouvée à Casal Bertone, à l’est de Rome, où le
travail s’effectue à la chaîne.
Une fois filé, le tissu est foulé aux pieds dans des cuves pour
être épaissi et pour en retirer les poils. Les cuves sont remplies
de substances alcalines et d’urine fermentée (ammoniac) qui
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font office de lessive et de détachant. Le tissu est ensuite lavé,
essoré puis étendu sur une sorte de cage en rotin pour être
blanchi par le soufre qui brûle en dessous (fig. 1).
Dans les Métamorphoses, Apulée témoigne, à travers l’histoire
d’un foulon trompé par sa femme, du danger que présente l’inhalation de vapeurs de soufre. Un jour que l’homme rentrait
plus tôt d’un repas chez un ami, il surprit des éternuements répétés. Ceux-ci provenaient de l’amant qui, caché par la femme
sous la cage en osier, était en train de s’étouffer :
«Cependant le jeune homme, imprégné de l’âcre et pénétrante
odeur du soufre, suffoquait, défaillait dans un nuage de vapeur,
et comme c’est l’effet ordinaire de ce corps aux vertus actives, il
était secoué de fréquents éternuements. (…) Son ennemi ne
tarderait pas à succomber de lui-même à la violente action du
soufre.» Métamorphoses 9, 24, 2-3 ; 25, 3 (trad. P. Valette, CUF)
Les vapeurs d’alun, d’ammoniac, de soufre sont toxiques et
irritantes pour les voies respiratoires. Mais le danger ne provient
pas que de là. On a pu observer que les parois des cuves étaient
rongées par l’acide de l’ammoniac. On peut donc imaginer l’état
des pieds du foulon qui y macéraient quotidiennement. Mais il y a
également les mouvements répétés inlassablement par les ouvriers qui entraînent des déchirures et des lésions. Les études paléopathologiques révèlent que les parties les plus affectées sont la
colonne vertébrale, la clavicule et l’humérus (appui sur le bord de
la cuve), le tibia, le fémur et les talons.
L’examen des squelettes de la nécropole et du mausolée de
Casal Bertone à Rome a révélé que la grande fullonica toute
proche employait une main-d’œuvre féminine et infantile (40%
de jeunes de moins de 20 ans) présentant ce type de lésions
osseuses.
n La nocivité des tuyaux de plomb, mythe ou réalité ?
Le saturnisme est une réalité dans l’Antiquité, mais il est faux
d’accuser l’eau provenant des tuyaux de plomb (fig. 3). Cette
idée reçue, toujours présente au 21e siècle, vient de l’architecte
Vitruve (1er s. av. J.-C.)
« De plus, l’eau qui vient de ces tuyaux [en poterie] est beaucoup plus saine que celle qui traverse les conduites en plomb,
car le plomb apparaît défectueux du fait qu’il donne naissance à la céruse ; or celle-ci passe pour être nuisible au corps
humain. Dans ces conditions, si ce que produit le plomb est
mauvais, on ne saurait douter que lui-même ne soit également malsain. » De l’architecture 8, 6, 10 (trad. L. Callebat, CUF)
Le plomb est une matière toxique pour les ouvriers qui le
travaillent et inhalent des vapeurs nocives entraînant le saturnisme.
L’eau coulant dans les conduites ne constitue cependant aucun
danger. L’eau amenée à Rome est une eau dure, comme le montrent les couches de tartre observées à l’intérieur des aqueducs.
Les dépôts de calcaire dans les tuyaux empêchent l’eau d’entrer
en contact avec le plomb.
La vaisselle de bronze contenant du plomb présentait bien plus
de dangers. Elle était recouverte d’une couche de plomb afin
d’être protégée de l’oxydation. Le vin, comme les fruits ou les
olives, stockés dans des récipients en bronze, renfermaient de
fortes teneurs en plomb, ce qui explique pourquoi les Romains
aisés étaient davantage touchés que la classe populaire qui utilisait des récipients en terre cuite, quoique la céramique à glaçure
plombifère puisse aussi être toxique.
3
Quelques chiffres : Actuellement, on considère que la valeur
tolérable de plomb dans l’eau est de 0,025 mg/l. Des expériences ont pourtant révélé que l’on pouvait atteindre des taux
de 20 à 800 mg de plomb par litre ! Pour exemple, de la citronnade conservée pendant 24 heures dans une cruche contenant
du plomb peut atteindre une teneur de 156 mg/l.
1-2 Fullonica de Veranius Ipseus, Pompéi (milieu du 1er s. apr. J.-C.).
Naples, musée archéologique national.
3 Tuyau de plomb, Lyon (Haut-Empire). Lyon, musée gallo-romain.
Inscription (CIL XIII, 1029, no 12) : Teren(tia) Secundilla L(ugduni) f(ecit),
2
«Terentia Secundilla de Lyon l’a fabriqué».
33
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1
Santé et maladie des Gallo-Romains
Christiane Kramar
D
éfinie en 1913 par Sir Ruffer comme «la science des maladies
dont on peut démontrer l’existence sur les restes humains et
animaux des temps anciens», la paléopathologie apporte de précieux renseignements sur l’état de santé, le comportement et le
mode de vie des populations du passé. Elle participe aussi à l’enrichissement de l’histoire des maladies et offre aux médecins d’aujourd’hui l’occasion de suivre l’évolution d’une maladie qui n’a pas
fait l’objet d’une thérapeutique moderne et qui s’est développée
bien avant l’avènement des antibiotiques.
Elle repose essentiellement et le plus souvent sur l’étude des
restes calcifiés, soit les dents et les os. Les lésions recherchées sont
celles dont nous souffrons aujourd’hui : en pathologie dentaire,
caries, abcès, parodontopathies, perte des dents…, en pathologie
osseuse, troubles du développement, traumatismes, infections,
tumeurs et rhumatismes.
Les dents, mémoire de notre passé
Rares sont les personnes à ne pas avoir souffert de leurs dents!
Qu’en était-il à l’époque romaine? Pour répondre à cette question
– partiellement du moins, puisque l’un des rites funéraires des
Romains étant l’incinération, un grand nombre de renseignements
nous échappe – nous avons observé les restes dentaires des populations gallo-romaines d’Avenches (En Chaplix, À la Montagne,
Sur Fourches et Les Tourbières) et de Payerne (Route de Bussy).
Nous nous sommes intéressée aux caries mais aussi à d’autres
indicateurs tels que les troubles de l’éruption, les malpositions et
malformations des dents, le degré d’usure des couronnes, les
dépôts de tartre et les hypoplasies de l’émail, lésions situées sur
la surface de la couronne qui permettent de connaître une partie
de l’histoire individuelle des enfants et des adultes d’une population donnée. Lorsqu’elle n’est pas soignée, la carie évolue.
L’infection peut alors se manifester par un abcès, puis s’étendre,
toucher les maxillaires et mettre même la vie en danger. La destruction de la couronne par la lésion carieuse se traduit par la
formation de chicot et peut mener à la perte de la dent. La chute
des dents peut aussi être la conséquence de problèmes de gencives, les parodontopathies, qui touchent les adultes dès l’âge de
35 ans (fig. 1).
Que nous apprend donc l’étude de ces Gallo-Romains vaudois?
Elle montre que les adultes d’En Chaplix paraissent avoir moins
souffert de caries, d’abcès et de parodontopathies que leurs voisins, être moins nombreux à présenter des chicots, des dépôts
de tartre et avoir perdu des dents de leur vivant. L’analyse des
incidences relatives des caries et du tartre indique que les gens
d’En Chaplix – population aisée – avaient manifestement un
mode de vie qui différait de celui des populations avoisinantes
en ayant accès à une nourriture plus fine et plus élaborée.
n Vie active ? Vie oisive ? Les gens d’Avenches/
En Chaplix et ceux de Payerne/Route de Bussy
L’étude des vestiges osseux des femmes et des hommes inhumés d’Avenches/En Chaplix et de Payerne/Route de Bussy
Bussy
En Chaplix
2
n
n
Troubles du développement
n
n
Traumatismes
n Hyperostoses
Rhumatismes
n
Infections
n
n
Tumeurs
enthésopathiques
Autres
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confirme que leur mode de vie différait : vie oisive pour les premiers, vie active pour les seconds.
Cette différence est clairement mise en évidence par la représentation graphique des diverses pathologies osseuses qui ont affecté
ces sujets : elle repose essentiellement sur les traumatismes, les rhumatismes dégénératifs et les hyperostoses enthésopathiques (fig. 2).
Les hyperostoses enthésopathiques correspondent à des ossifications qui se développent dans les zones d’insertion des tendons et des ligaments (les enthèses) et reflètent non seulement
l’âge des sujets mais aussi les diverses sollicitations physiques
auxquelles ils ont été confrontés tout au long de leur vie. Quasi
absentes chez les gens d’En Chaplix, elles affectent tant le rachis que les os des membres de ceux de Payerne.
Les rhumatismes dégénératifs, les arthroses, ne touchent, à En
Chaplix, que des hanches au préalable fragilisées par des malformations ou des infections comme la tuberculose. À Payerne,
les lésions rhumatismales sont plus fréquentes et intéressent de
nombreuses articulations, à la colonne et aux membres.
Les traumatismes diffèrent également puisqu’on ne relève aucune fracture chez les adultes d’Avenches alors qu’elles sont
nombreuses et variées chez ceux de Payerne. Blessures de la
vie courante, séquelles d’actes violents, fractures liées à l’état
physiologique individuel, toutes ces causes ont laissé des traces
sur les os de plus du tiers des sujets. Notons que les effectifs des
deux populations sont comparables, avec 29 personnes à Payerne
et 25 à Avenches, et que les hommes y sont nettement surreprésentés. La gravité des lésions et le handicap – sans oublier les
douleurs – qu’elles ont entraîné sont variables: citons les fractures
guéries de côtes, des fractures du crâne, des fractures dites de
défense touchant les os de l’avant-bras, une fracture du radius
(dite de Pouteau) chez une femme ostéoporotique et une grave
fracture du bassin chez un homme âgé. L’étude des populations des
autres nécropoles d’Avenches confirme ainsi la différence du mode
de vie de celle d’En Chaplix (fig. 3).
3
nous touchent... et qui existaient autrefois. Ainsi, les fibromes,
tumeurs bénignes de l’utérus, ont subi les mêmes transformations
– dont la dégénérescence calcaire qui nous intéresse en paléopathologie et qui survient le plus souvent après la ménopause – qu’ils
subissent actuellement. Quant aux plaques pleurales – concrétions plates, aux étiologies variées, qui se développent dans la
plèvre – elles peuvent présenter des similitudes avec des maladies
actuelles comme l’asbestose, pneumoconiose due à l’inhalation
de poussières d’asbeste, l’amiante.
Les calculs, enfin, en particulier ceux qui se développent dans
le système urinaire, sont aussi riches en informations : les calculs
rénaux se retrouvent, aujourd’hui, surtout chez les adultes des
pays développés au régime alimentaire riche en viande et en
sucres raffinés alors que les vésicaux se développent chez les
jeunes enfants, d’origine rurale surtout, au régime essentiellement végétarien.
1 L’homme mature 174 des Tourbières a souffert de ses dents… carie au collet
de sa troisième molaire gauche, problèmes de gencives, perte de sa première
molaire de son vivant, rétention et malposition de sa canine gauche.
2 Comparaison de la pathologie osseuse des adultes d’Avenches/
En Chaplix et de Payerne/Route de Bussy prouvant le mode de vie
Les calcifications biologiques et le mode de vie des
populations du passé
Lors des fouilles archéologiques, on rencontre parfois, parmi
les ossements d’un individu, des masses « dures » qui correspondent à des calculs ou à des calcifications tissulaires pathologiques tels les kystes hydatiques, mais aussi les fibromes utérins
calcifiés et les plaques pleurales. Ces exemples, par leurs différences étiologiques, apportent de précieux renseignements sur
le statut social et le mode de vie de la personne atteinte et montrent également la pérennité d’affections que nous connaissons
aujourd’hui.
Les kystes hydatiques témoignent ainsi d’une échinococcose,
maladie due au développement de la larve du Taenia echinococcus granulosus (fig. 4). Ce parasite de l’intestin grêle du chien
provoque chez l’homme et chez les animaux qui lui servent
d’hôtes intermédiaires de graves dommages. La maladie hydatique prévalant où l’homme, les chiens, les moutons et les bovins vivent en contact intime, elle donne des informations sur la
domestication des animaux et les conditions de vie de la population intéressée.
L’intérêt de la découverte de fibromes utérins calcifiés et de plaques
pleurales réside aussi dans notre rapport avec des maladies qui
n
différent de ces populations.
3 Pseudarthrose, articulation accidentelle due à l’absence de consolidation
spontanée d’une fracture de la diaphyse du cubitus gauche de l’homme âgé
139 des Tourbières.
4 Kystes hydatiques calcifiés qui prouvent que l’homme âgé 179, Avenches/
À la Montagne a été infesté par un ver, le Taenia echinococcus granulosus.
4
35
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1
Quelques cas pathologiques
en Gaule romaine
Yann Ardagna, Luc Buchet, David Gandia, Gaëlle Granier et Raoul Perrot
n
Un cas de trépanation gallo-romaine
David Gandia et Raoul Perrot
Un fragment crânien, découvert en 1968 dans un puits gallo-romain
près de Tournus (Saône et Loire), au lieu-dit Croix-Juillet, constitue
un témoignage rare de trépanation à l’époque gallo-romaine. Le
fragment était mêlé à des tessons de céramiques, des restes de
faune et d’autres restes humains qui furent tous attribués au même
individu, un homme âgé de 35 à 40 ans. Grâce au mobilier contenu
dans le puits ainsi que celui des autres structures en présence, l’occupation du site est datée du 1er au 4e s. apr. J.-C. ; les restes osseux
quant à eux pourraient dater du 2e s. apr. J.-C.
La trépanation, dont nous ne possédons qu’une portion de 15 mm
(fig. 1), est située sur un fragment de pariétal gauche d’une dizaine
de centimètres de long sur cinq de large. L’aspect émoussé de la
lésion et ses contours très doux à l’extérieur et au contraire très
vifs à l’intérieur (fig. 2) indiquent une trépanation cicatrisée qui
montre que l’individu à bien supporté l’intervention et en a guéri.
Cependant aucun élément ne nous permet d’estimer la forme totale de la trépanation ainsi que les raisons qui l’ont motivée.
Un examen de la bibliographie ne révèle que quelques cas assurés
et bien documentés de trépanation pour l’époque gallo-romaine,
ce qui confirme le caractère exceptionnel de ce genre d’intervention. La pratique est également attestée par la découverte de trépans, de burins et de gouges spécialisés dans la tombe du médecin de Bingen et la maison du chirurgien de Rimini.
Comment expliquer la rareté des spécimens archéologiques, alors
que cette technique chirurgicale est bien attestée à des périodes
reculées comme le Néolithique ? L’usage de la crémation, réduisant les possibilités d’observation de vestiges osseux intacts, permet-il, à lui seul, d’expliquer cette lacune ?
Le médecin de l’époque romaine avait atteint un niveau élevé de
perfectionnement qui lui permettait d’évaluer les risques encourus par le patient. Galien (129 - ~ 216 apr. J.-C.) explique comment
éviter de léser les méninges pendant l’opération. La trépanation
ne semble avoir été pratiquée qu’en dernier recours, en cas de
choc grave, entraînant un hématome sous-dural, de fractures du
crâne ou de compressions dues à d’autres affections ou anomalies
telle l’hydrocéphalie, dont Galien décrit l’opération. À Fidènes,
près de Rome, une tombe de 100 av. J.-C. a livré les restes d’un
enfant hydrocéphale qui n’a pas survécu à l’opération faite avec
une gouge du type retrouvé dans la « Maison du chirurgien » de
Rimini.
2
36
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n Séquelles d’une entorse du genou et d’une entorse
carpo-métacarpienne Luc Buchet
Les pièces osseuses du squelette mis au jour dans la tombe 10
de la nécropole antique de Lyon-La Favorite appartiennent à un
homme adulte de taille moyenne (1,66 m), plutôt robuste, dont
1
l’âge au décès a été estimé entre 30 et 50 ans. On retiendra,
parmi les pathologies observées, plusieurs atteintes d’origine
traumatique, aux genoux et au poignet gauche.
4
3
Le fémur droit présente une protubérance osseuse anormale sur
l’épicondyle médial, à l’insertion du ligament collatéral médial
(ou ligament latéral interne) (fig. 3). Cette excroissance est caractéristique d’une séquelle d’arrachement du ligament lors d’une
entorse grave du genou ayant évolué vers une ossification de
l’hématome à l’endroit de l’arrachement. Cette atteinte est appelée maladie de Pellegrini-Stieda. Une telle entorse intervient
dans un mouvement en valgus – c’est-à-dire pied parti vers l’extérieur – et en rotation externe. Elle est souvent associée à une
forte activité mais, dans le cas présent, la cause précise de l’entorse du genou est inconnue. L’instabilité du genou, consécutive
au traumatisme, a pu induire une gêne à la marche et avoir des
répercussions sur l’organisme dans son ensemble. Elle a favorisé,
notamment, le développement de lésions arthrosiques sur le genou gauche qui se trouvait alors en surcharge fonctionnelle.
Ainsi, le condyle médial du fémur gauche présente une ossification de la coque condylienne (les coques condyliennes limitent
l’hyper-extension du genou), bien visible sous la forme d’un bourrelet sur le pourtour des surfaces articulaires (fig. 4). Ce que ne dit
pas l’examen du squelette, c’est qu’il y a sans doute eu d’autres
lésions associées, sans répercussion osseuse, comme une rupture
du ligament croisé antérieur et/ou une lésion du ménisque interne,
chacune ayant sa propre expression douloureuse.
Sans que l’on puisse savoir si ce traumatisme s’est produit en
même temps que celui du genou, l’homme inhumé dans la
tombe 10 de la nécropole de Lyon-La Favorite présente des
séquelles d’une entorse carpo-métacarpienne. La lésion se présente sous la forme d’un bloc osseux comprenant les deuxième
et troisième métacarpiens, le capitatum, le trapézoïde et le trapèze (fig. 5). Il s’agit d’une entorse carpo-métacarpienne des
troisième et quatrième rayons, relativement rare car l’articulation carpo-métacarpienne est très stable et le désemboîtement
articulaire implique une action violente. La déchirure des capsules articulaires a provoqué un hématome qui s’est ossifié et
s’est enkylosé. Toutefois, cette lésion n’a dû laisser que peu de
séquelles fonctionnelles car elle est bien supportée, une fois
passée la phase de cicatrisation.
5
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n
Deux cas d’anomalie dégénérative et de traumatisme
8
Yann Ardagna et Gaëlle Granier
Deux cas antiques du sud de la France illustrent les lésions les plus
répandues en paléopathologie, toutes périodes chronologiques
confondues : les anomalies dégénératives et les traumatismes.
Les vestiges ostéologiques d’un homme d’une cinquantaine
d’années provenant d’une petite nécropole du centre-ville de
Toulon dans le Var (3e - 4e s. apr. J.-C.) présentent une lésion très
fréquente : l’arthrose. Sur les vertèbres lombaires, on remarque
des excroissances osseuses qui se développent horizontalement
au niveau du rebord des corps vertébraux (fig. 6 et 7). Elles sont
plus évoluées pour les deux premières vertèbres lombaires. On
parle d’ostéophytes pour décrire cette production d’os pathologique. Ce sont les seules altérations relevées sur ce sujet. Ces
lésions ostéophytiques sont typiques de l’arthrose vertébrale qui
est une constante dans l’étude des populations du passé sans
être nécessairement associée à des conditions de vie difficiles.
6
7
9
Les fractures sont les lésions les plus fréquentes après les altérations
dégénératives. Le radius gauche d’un homme d’environ 50 ans, issu
de la fouille d’une nécropole de la région d’Arles (3e s. apr. J.-C.)
présente une fracture, probablement oblique, cicatrisée. Au cours
de la soudure, l’os régénéré en vue de la consolidation, appelé
« cal », s’est formé alors que les deux fragments n’étaient pas tout
à fait correctement alignés. On parle alors d’un « cal vicieux » qui
entraîne une déviation axiale de l’os ainsi qu’un léger raccourcissement général de l’os (fig. 8 en comparaison avec un os sain) difficile à évaluer en raison d’un mauvais état de conservation du squelette. Si
aucune séquelle n’a gêné les mouvements ou les activités de ce
sujet, la fracture est à l’origine d’arthroses secondaires du coude
et surtout du poignet. Au niveau des zones articulaires avec les
petits os du carpe, on observe des remodelages (ostéophyte et
porosités) assez conséquents qui témoignent d’une sévère arthrose du poignet après la cicatrisation de la fracture.
1 Le pariétal trépané : vue exo-cranienne (en haut) et endo-cranienne (en bas).
La trépanation est située à droite sur les deux photos.
2 Grossissement de la zone trépanée : vue exo-cranienne (en haut)
et endo-cranienne (en bas).
3 Fémur droit de l’homme inhumé dans la tombe 10, nécropole de LyonLa Favorite : séquelle d’arrachement du ligament collatéral médial.
4 Fémur gauche de l’homme inhumé dans la tombe 10, nécropole de LyonLa Favorite : ossification de la coque condylienne (lésions arthrosiques).
5 Séquelle d’entorse carpo-métacarpienne de l’homme inhumé dans la tombe 10,
nécropole de Lyon-La Favorite.
6-7 Arthrose vertébrale de l’homme de la tombe de la nécropole de Toulon :
formation d’ostéophytes (excroissances osseuses) sur les vertèbres lombaires.
8 Déviation axiale du radius de l’homme d’une tombe d’Arles en comparaison avec
un os sain : formation d’un cal vicieux.
9 Vue antérieure (détail).
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1
Médecine, religion et magie
Véronique Dasen
D
ans l’Antiquité, différents types de médecine coexistent,
celle du médecin et de ses médicaments, celle du prêtre
ou du magicien avec ses prières et ses amulettes. Les médecins
n’interdisent pas aux malades de s’adresser aux dieux qu’ils honorent aussi. Médecine divine et médecine des hommes ne
sont pas antagonistes, mais complémentaires.
Des divinités salutaires...
À côté du couple d’Asclépios (Esculape en latin) et de sa fille Hygie,
personnification d’une santé si précieuse qu’on la divinise (fig. 1), plusieurs dieux sont investis d’un pouvoir salutaire. À l’époque républicaine, le sanctuaire de Minerva Medica sur l’Esquilin est célèbre à
Rome, comme en témoignent un dépôt votif important (fig. 3 et 4) et
des inscriptions. En Gaule, Apollon, père d’Asclépios et inventeur de
la médecine (Ovide, Métamorphoses 1, 521-522), est souvent associé à
Sirona, le pendant gaulois d’Hygie ; il est assimilé à différentes divinités locales, comme Moritasgus, qui chassent les maladies. Ces sanctuaires peuvent être implantés auprès de sources thermales, comme
celui de Salus (« santé » en latin) Umeritana en Espagne, ou de
Sequana aux sources de la Seine (fig. 3-4). De nombreux témoignages
se rapportent au culte que leur rendent des médecins qui placent
leurs espoirs et leurs succès sous leur patronage. Antiochos, médecin, rend ainsi hommage « aux sauveurs sans pareil des hommes
parmi les immortels, Asclépios aux mains douces » et ses filles, Hygie
et Panacée, sur une inscription provenant du camp légionnaire de
Chester (Deva) (Rémy no 21), tandis qu’à Obernburg, Marcus Rubrius
Zosimus, le médecin de la quatrième cohorte des Aquitains citoyens
romains, dédie un autel aux grandes divinités salutaires Jupiter,
Apollon, Esculape, Salus et la Fortune, qui l’ont aidé à sauver le préfet de la cohorte (CIL XIII, 6621). À Lyon, le médecin Phlégon, un
esclave ou affranchi d’origine grecque, rend hommage, en latin, à
une triade de déesses-mères gauloises, les Matres (fig. 2), gardiennes
de la prospérité familiale, dont les compétences recoupent celles
des divinités salvatrices gréco-romaines.
n
n … au quotidien
Les médecins ne sont pas les seuls professionnels à s’adresser à
Asclépios. Les Anciens relèvent l’importance de l’alimentation sur
la santé. La diététique est l’un des piliers de la médecine antique,
et la production de nourriture est parfois explicitement placée
sous la protection de divinités salutaires, comme sur le relief votif
offert par C. Pupius Firminus, trésorier de l’association des boulangers de Rome (fig. 1). Le monument représente le couple d’Asclépios et Hygie debout, donnant à manger à deux énormes serpents. A gauche, Asclépios, barbu, porte une chevelure à longues
mèches épaisses, enveloppé dans son manteau, le torse et
l’épaule droite découverts, à droite Hygie, couronnée d’un diadème, porte une longue tunique et un manteau. L’ensemble
évoque l’iconographie des laraires où les serpents, associés à la
déesse Vesta, garantissent la prospérité de la maisonnée. On
connaît un deuxième relief dédié par le même Pupius Firminus
(CIL VI, 787), cette fois à Vesta qu’Ovide décrit comme la patronne
des boulangers (Fastes, 6, 311-318), assise sur un trône portant un
gâteau et des épis de blé, et nourrissant un serpent comme le fait
aussi Salus. Le souci de fournir une farine et un pain de qualité
n’est pas anecdotique. Le médecin Galien décrit les méfaits de la
nocivité du blé parasité par l’ivraie et d’autres plantes comme la
nielle, mal stocké et atteint de maladies cryptogamiques ou infesté d’insectes parasites.
2
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n Offrandes anatomiques
Parmi le matériel votif qui permet d’identifier les sanctuaires de
divinités guérisseuses, des offrandes peuvent représenter des
parties externes ou internes du corps. Sur l’île tibérine, où, dès
le Moyen Âge, un hôpital a succédé au sanctuaire d’Esculape,
des dédicaces, des récits de guérisons miraculeuses et des offrandes anatomiques témoignent, comme à Épidaure, de la reconnaissance des pèlerins. Parfois, des inscriptions précisent
les circonstances du vœu, comme la formule VSLB, uotum soluit
libens merito, « il s’est acquitté de son vœu de bon gré, comme
3
de juste » ou ex uoto, « en exécution de son vœu ». En Italie républicaine, comme en Gaule romaine, on dédie des parties du corps
(tête, yeux, bras, mains, sein, jambes, pieds, sexe masculin, vulve…)
4
(fig. 3, 4, 5) à côté de modèles qui représentent des organes internes
(utérus, intestins, cœur…), isolés ou, plus rarement, groupés
sous la forme de plaque dite polyviscérale ou de buste dont
l’abdomen est ouvert. Cependant, la représentation de certains organes peut être symbolique. Une paire d’yeux peut se
rapporter aux maux de la vue ou solliciter l’attention divine
(fig. 3 et 5). De même, les oreilles peuvent évoquer non pas l’organe malade, mais le souci du fidèle que le dieu écoute sa
prière. Sans inscription, il est impossible de savoir si l’offrande
fut apportée pour obtenir une guérison ou s’acquitter d’un
vœu exaucé. Le membre est d’ordinaire figuré sain ou guéri,
sans doute tel que le patient espérait le conserver ou l’obtenir.
5
n Soigner les plus faibles
Quand la médecine est impuissante, le recours aux dieux
s’impose. Les enfants emmaillotés, en pierre, bois, terre cuite,
plus rarement en bronze, constituent des offrandes fréquentes
dans les sanctuaires guérisseurs d’Italie et de Gaule romaine. Ils
peuvent être offerts à différentes occasions : pour une demande
de fertilité, pour remédier à une grossesse difficile, en remerciement pour une heureuse naissance ou pour la sauvegarde du
nourrisson, malade ou menacé par la forte mortalité infantile (fig. 6).
Les médecins le reconnaissent : un mal anodin peut emporter les
tout-petits, comme de simples aphtes qui empêchent de téter ou
une dentition douloureuse qui cause de la fièvre.
n Le recours à la magie
À défaut de vaccins, on recourt aux amulettes. À côté des
pierres magiques spécialisées, de nombreuses breloques servent de protection. Elles doivent neutraliser les puissances maléfiques que l’on tient responsables des maladies qui emportent principalement les enfants. La croyance au mauvais œil est
répandue. On redoute les effets du fascinum, cette mystérieuse
force destructrice qui naît de la vue du bonheur et de la prospérité d’autrui. Un regard chargé d’envie peut rendre malade
et même tuer : « C’est bien la raison pour laquelle diverses amulettes passent pour servir de protection contre cette sorte de
malveillance : leur aspect étrange attire le regard du fascinateur
et l’empêche ainsi de se fixer sur sa victime », explique Plutarque
dans ses Propos de Table.
Ce pouvoir nocif est indépendant de la volonté. Un compliment
trop appuyé peut éveiller la jalousie des dieux. Des gestes
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simples permettent de s’en prémunir. La saleté a parfois des
vertus protectrices : « Des femmes, des nourrices, des servantes,
mettent de la boue dans l’eau du bain, y trempent le doigt et en
marquent le front de l’enfant. Si vous leur demandez : pourquoi
cette eau sale, pourquoi cette boue ? On vous répond : c’est pour
détourner les mauvais regards, la jalousie et l’envie », raconte Jean
Chrysostome (4e s. apr. J.-C.) (Première épître aux Corinthiens).
Les amulettes présentent une grande variété de formes (phallus,
lunule, clochette…) et de matières (or, ambre, bois de cerf…).
Des objets creux comme la bulla en or des garçons de naissance
libre (fig. 7) contiennent parfois une autre amulette ou une substance aux propriétés thérapeutiques, tels les yeux de lézard vert
que le médecin Marcellus Empiricus prescrit d’extraire délicatement avec une aiguille en cuivre pour en faire un remedium destiné à écarter tout mal aux yeux (Des médicaments 8, 50).
Quelques tombes de médecin ont livré des objets dont les propriétés des matériaux devaient renforcer l’efficacité : cuillère en cristal
de roche, silex pour préparer des médicaments, pierres et phylactères, minces lamelles d’or ou d’argent gravées de formules magiques, souvent contre les maux de tête (fig. 4 et 7, chap. Tombes de médecins en Gaule romaine).
La magie peut cependant aussi chercher à rendre malade. Les
tablettes de malédiction (defixiones) gravées sur du plomb
demandent aux puissances infernales d’infliger les pires maux à
des ennemis (fig. 8).
7
8
1 Relief votif en marbre (144 apr. J.-C.), Paris, musée du Louvre.
Inscription (CIL VI, 546) : dédicace de C. Pupus Firminus.
2 Plaque en marbre, Lyon (2e s. apr. J.-C.). Lyon, musée gallo-romain. Inscription
(CIL XIII 1762) : « Aux Mères augustes, Phlégon, médecin.»
(trad. B. Rémy).
3-4 Offrandes en terre cuite, Rome (?) (époque républicaine).
Lausanne, musée cantonal d’archéologie et d’histoire.
5 Plaquette en bronze, sanctuaire des Sources de la Seine
(époque gallo-romaine). Dijon, musée archéologique.
6 Statue en calcaire, sanctuaire des Sources de la Seine
(époque gallo-romaine). Dijon, musée archéologique.
7 Bulle, pendentif en forme de massue d’Héraclès et bague en or,
tombe à incinération de la villa de Saint-Fréjus (1er s. apr. J.-C.), Marenne. Lyon,
Service régional de l’archéologie.
8 Tablette magique en plomb (defixio), Avenches, nécropole d’En Chaplix,
enclos funéraire nord (époque gallo-romaine). Avenches, musée romain.
Inscription: «Marius (souhaite) que son (sa) Cinna et celui qui l’a ensuite donné(e)
6
à quelqu’un d’autre décèdent tous les deux!» ou «Marius, fils de Cinna, (souhaite)
que les siens et celui qui les a réconciliés, décèdent!» (trad. R. Frei-Stolba).
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1
Les pierres qui soignent
Véronique Dasen
U
ne tradition très ancienne prête aux minéraux des vertus protectrices et thérapeutiques. À l’époque romaine, des pierres
semi-précieuses, généralement portées en bague ou pendentif,
sont gravées d’images qui augmentent leurs pouvoirs. Elles agissent sur le corps grâce à la force cachée des divinités, des signes,
characteres, et formules magiques, logoi ou voces magicae, inscrites en positif sur leurs deux faces. Les maladies qu’elles soignent sont évoquées visuellement de manière métaphorique.
De nombreuses gemmes magiques représentent le combat
d’Héraclès contre le lion de Némée, souvent gravé sur du jaspe
rouge auquel on attribue des qualités prophylactiques et hémostatiques (fig. 1). Le héros remporte une victoire sur la maladie comparée à un animal féroce. L’inscription KKK, peut-être
l’abréviation du mot kôlike, indique que le héros contrôle les
maux de la région du ventre. Le médecin byzantin Alexandre
de Tralles (6e s. apr. J.-C.) prescrit de porter en cas de colique
une « pierre de Médie » sertie dans une bague en or, portant
gravée la figure d’Héraclès en train de maîtriser le lion de
Némée. Le héros doit probablement ses pouvoirs à sa réputation proverbiale de gros mangeur, jamais malade, auquel le
propriétaire de la gemme peut s’identifier en espérant bénéficier de la même résistance.
Une autre série numériquement importante représente une
ventouse fermée par une clé (fig. 2). Ces pierres portent l’image
de la matrice, comparée à une ventouse dans les textes médicaux. Ce type de motif est toujours gravé dans de l’hématite ou
« pierre de sang (haima) », par analogie avec le sang dont la
gemme doit contrôler le flux. La clé placée sous l’ouverture de
la ventouse symbolise la surveillance de deux sortes de mouvements utérins décrits dans les traités de gynécologie antique :
d’ouverture, nécessaire à l’ascension du sperme, de clôture
pour le retenir et permettre la conception, puis le déroulement
de la gestation, d’ouverture à nouveau quand la grossesse arrive à son terme, en contrôlant tout risque d’hémorragie lors de
l’accouchement.
D’autres jeux d’images ont une action thérapeutique. Si l’on
souffre de sciatique ou de rhumatismes, il est recommandé de
porter sur soi une hématite sur laquelle est gravé un moissonneur
courbé, coupant des épis (fig. 3). L’autre face porte l’inscription :
« Je travaille et ne souffre pas », ou, comme ici : ΣΧΙΩΝ�(pour
ischion) « Pour les hanches ».
Les gemmes avec un lézard (fig. 4) se réfèrent à une recette livrée
par plusieurs auteurs qui emploient un lézard vert aveuglé un
jour de lune croissante. Élien (La personnalité des animaux, 5, 47)
explique que l’animal est enfermé, les yeux crevés, dans un pot
pendant neuf jours avec une bague en argent incrustée d’une
pierre de jais sur laquelle est gravé un lézard. Quand le pot est
rouvert, l’animal a retrouvé la vue et la bague devient un remède
pour les yeux. L’inscription au revers ordonne : ΚΑΝΘΕ ΣΟΥΛΕ,
« Œil soigne-toi ».
Asclépios, le dieu de la médecine, n’apparaît qu’exceptionnellement sur les gemmes magiques, ici un jaspe rouge qui
convoque sa puissance thérapeutique pour soulager un mal indéterminé (fig. 5). Une variante inhabituelle (fig. 6) représente une
figure humaine à tête de lion, Hélioros, tenant le bâton du dieu
autour duquel s’enroule un serpent.
Les médecins mentionnent les vertus de ces pierres. Galien reconnaît les qualités curatives du jaspe vert sur la digestion (Sur l’efficacité des médicaments simples 10, 19), tandis que Marcellus Empiricus
(4e s. apr. J.-C.) conseille d’ajouter l’image de Chnoubis, un serpent
à tête de lion radiée, qui gouverne la région du ventre (fig. 7) :
« Voici un remède contre les maux d’estomac : grave sur un
jaspe un serpent à tête radiée avec sept rayons, insère la
pierre dans une monture d’or et porte-la autour du cou. » (Des
médicaments 20, 98)
Dans son traité de gynécologie et d’obstétrique, Soranos
d’Ephèse (2e s. apr. J.-C.) ne s’oppose pas à ces pratiques, tout
en ne se faisant aucune illusion sur leur efficacité :
« Certains prétendent qu’il existe même des remèdes agissant par antipathie, tels l’aimant, la pierre d’Assos, la présure
de lièvre, et autres amulettes auxquels nous n’accordons
pour notre part aucun crédit ; on ne doit pas s’opposer à leur
utilisation : si l’amulette n’a aucun effet direct, du moins l’espoir que place en elle la malade lui redonnera-t-il peut-être
du ressort moral. » Des maladies des femmes 3, 12 (trad. P. Burguière, D.
Gourevitch, Y. Manilas CUF)
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1 Jaspe rouge. Paris, Cabinet des Médailles.
5 Jaspe rouge. Paris, Cabinet des Médailles.
2 Hématite. Paris, Cabinet des Médailles.
6 Jaspe vert. Paris, Cabinet des Médailles.
3 Hématite. Paris, Cabinet des Médailles.
7 Calcédoine. Paris, Cabinet des Médailles.
4 Jaspe vert. Paris, Cabinet des Médailles.
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Bibliographie d’orientation
n Ouvrages généraux
H. Achner, Ärzte in der Antike, Mainz, 2009.
J. André, Être médecin à Rome, Paris, 1987.
J.-M. André, La médecine à Rome, Paris, 2006.
E. Berger, Das Basler Arztrelief : Studien zum griechischen Grab- und Votivrelief um 500 v. Chr.
und zur vorhippokratischen Medizin, Basel, 1970.
A. Cruse, Roman Medicine, Stroud, 2004.
V. Dasen (dir.), La médecine à l’époque romaine, Archéo-Théma, 16, septembre-octobre 2011.
M. D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident, I, Antiquité et Moyen Âge, Paris, 1997.
R. Jackson, Doctors and Diseases in the Roman Empire, London, 1988.
J. Jouanna, Hippocrate, Paris, 1992.
H. King, V. Dasen, La médecine dans l’Antiquité grecque et romaine, Lausanne, 2008.
A. Krug, Heilkunst und Heilkult. Medizin in der Antike, München, 1985.
A. Krug, Das Berliner Arztrelief, Berlin, 2008.
K.-H. Leven (éd.), Antike Medizin, ein Lexikon, München, 2005.
B. Maire, Se soigner par les plantes. Les « Remèdes » de Gargile Martial, Lausanne, 2007.
Natacha Massar, Soigner et servir : histoire sociale et culturelle de la médecine grecque à l’époque hellénistique, Paris, 2005.
H. Matthäus, Der Arzt in römischer Zeit, I et II, Stuttgart, 1987-1989.
V. Nutton, Ancient Medicine, London, 2004.
G. Penso, La médecine romaine : l’art d’Esculape dans la Rome antique, Paris, 1984.
B. Rémy, avec la coll. de P. Faure, Les médecins dans l’Occident romain, Bordeaux, 2010.
É. Samama, Les médecins dans le monde grec : sources épigraphiques sur la naissance d’un corps médical, Genève, 2003.
n Catalogues d’exposition
L’œil dans l’antiquité romaine: exposition Lons-le-Saunier, Musée d’archéologie, 31 janvier-4 avril 1994, Lons-le-Saunier, 1994.
G. d’Andiran (dir.), La médecine ancienne, du corps aux étoiles, Paris-Cologny, 2010.
A. Verbanck-Piérard (dir.), Au temps d’Hippocrate : médecine et société en Grèce antique, Mariemont, 1998.
n Ouvrages et articles spécialisés
P. A. Baker, Medical Care for the Roman Army on the Rhine, Danube and British Frontiers in the First,
Second and Early Third Centuries AD, Oxford, 2004.
A. Bouet, Les latrines dans les provinces gauloises, germaniques et alpines (Gallia suppl. 59), Paris, 2009.
R. Boyer, V. Bel, L. Tranoy et al., « Découverte de la tombe d’un oculiste à Lyon (fin du IIe s. après J.-C.).
Instruments et coffrets avec collyres », Gallia, 47, 1990, p. 215-249.
S. De Carolis (dir.), Ars medica, I ferri del mestiere. La domus ‘del Chirurgo’ di Rimini e la chirurgia nell’antica Roma, Rimini, 2009.
O. de Cazanove, « Enfants en langes : pour quels vœux ? », in G. Greco, B. Ferrara (éds), Doni agli dei.
Il sistema dei doni votivi nei santuari, Pozzuoli, 2008, p. 271-284.
A. Ciarallo, E. de Carolis (dir.), Pompéi : nature, sciences et techniques, Milan, 2001.
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Speculum vaginal en alliage de cuivre, Asie Mineure
(1er-2e s. apr. J.-C.). Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz.
H. Eschebach, Die Arzthäuser in Pompeji (Antike Welt, Sondernummer 15), Mainz, 1984.
M. Feugère, E. Künzl, U. Weisser, Les aiguilles à cataracte de Montbellet (Saône et Loire). Contribution à l’étude
de l’ophtalmologie antique et islamique (Les découvertes archéologiques en Tournugeois 12), Mâcon, 1988.
D. Gourevitch, « Le pain des Romains à l’apogée de l’empire : bilan entomo- et botano-archéologique », Comptes rendus
des Séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2005, p. 27-47.
A. Hillert, Antike Ärztedarstellungen, Bern, 1990.
D. Hintermann, Der Südfriedhof von Vindonissa, Brugg, 2000.
M. Hirt, « Les médecins à Avenches/Aventicum. Étude basée sur l’ensemble du matériel relatif aux médecins »,
Bulletin de l’Association Pro Aventico, 42, 2000, p. 93-133.
B. Hobson, Latrinae et foricae, Toilets in the Roman World, London, 2009.
R. Jackson, «Roman Doctors and their Instruments: Recent Research into Ancient Practice», Journal of Roman Archaeology, 3, 1990, p. 5-27.
R. Jackson, « The Domus ‘del Chirurgo’ at Rimini : an Interim Account of the Medical Assemblage »,
Journal of Roman Archaeology, 16, 2003, p. 312-321.
C. Kramar, avec la coll. de P. Blanc, «Étude paléoanthropologique et paléopathologique des sujets inhumés à Avenches dans les nécropoles
d’À la Montagne et de la porte de l’Ouest/Sur-Fourches», Bulletin de l’Association Pro Aventico, 47, 2005, p. 7-61.
O. Krause, Der Arzt und sein Instrumentarium in der römischen Legion, Remshalden, 2009.
E. Künzl, Medizinische Instrumente aus Sepulkralfunden der römischen Kaiserzeit, Köln/Bonn, 1983.
–, «Forschungsbericht zu den antiken medizinischen Instrumenten», in Aufstieg und Niedergang der römischen Welt (ANRW), II, 37,
3, Wissenschaften (Medizin und Biologie), Berlin-New York, 1996, p. 2433-2639.
–, «Instrumentenfunde und Arzthäuser in Pompeji: die medizinische Versorgung einer römischen Stadt des 1. Jahrhunderts n. Chr.»,
Sartoniana, 11, 1998, p. 71-152.
E. Künzl et H. Engelmann, « Römische Ärztinnen und Chirurginnen. Beiträge zu einem antiken Frauenberufsbild »,
Antike Welt, 28, 1997, p. 375-379.
M. Maggetti, « L’intoxication des Romains par leur vaisselle à glaçure plombifère. Mythe ou réalité ? », in V. Dasen (dir.),
La médecine à l’époque romaine, Archéo-Théma, 16, septembre-octobre 2011, p. 76-78.
S. Musco et al., « Le complexe archéologique de Casal Bertone », in Rome et ses morts. L’archéologie funéraire dans
l’Occident romain, Les Dossiers de l’archéologie, 330, décembre 2008, p. 32-39.
J. Ortalli, Il medicus di Ariminum : una contestualizzazione archeologica dalla domus «del Chirurgo», Rivista Storica dell’Antichità,
37, 2007, p. 101-118.
R. Perrot, « Étude anthropologique de vestiges humains provenant de deux puits gallo-romains (Tournus, Saône-et-Loire) »,
in Documents des Laboratoires de Géologie de la faculté des Sciences de Lyon, Notes et Mémoires, n° 45, 1971, p.131-148.
J. Santrot et S. Corson, « Dans la tombe gallo-romaine de Saint-Médard-des-Prés (Vendée) : pigments, cosmétiques ou médicaments ? », in
D. Frère et L. Hugot (dir.), Archéologie des huiles et huiles parfumées en Méditerranée occidentale et en Gaule (VIIIe s. av.- VIIe s. apr. J.-C.),
actes du colloque de Rome, 16-18 novembre 2009, Naples et Rennes, 2011, sous presse.
H. Sobel, « Römische Arzneikästchen », Saalburg-Jahrbuch, 46, 1991, p. 121-147.
J. Voinot, Les cachets à collyres dans le monde romain, Montagnac, 1999.
J. C. Wilmanns, Der Sanitätsdienst im Römischen Reich. Eine sozialgeschichtliche Studie zum römischen
Militärsanitätswesen nebst einer Prosopographie des Sanitätpersonals, Hildesheim, 1995.
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Crédits photographiques
n
Avant-propos
Musée Granet, pays d’Aix.
n
Les instruments du médecin
1-3 Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei.
2 Jena, Medizinhistorische Sammlung Meyer-Steineg.
n
Sommaire
Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz. Photos René Müller.
n
La médecine grecque
4-5 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photos J.-M. Degueule.
6 Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz. Photos René Müller.
n
La trousse d’oculiste de Lyon
1 Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig. Photo Andreas F. Voegelin.
1-3 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photos J.-M. Degueule.
2 Antikensammlung, Staatliche Museen Berlin. Photo Arachne-DS 104083.
2 Photographie A.F.A.N.
n
L’aryballe Peytel
1 D’après Monuments et mémoires Piot, XIII, 1906, pl. XIII.
n
Une boîte à médicaments en ivoire
1 a-c Rätisches Museum Chur.
2 Musée du Louvre. Photos RMN/Stéphane Maréchalle.
n
n
La médecine à Rome
1 BNF/Département des Monnaies, Médailles et Antiques.
La médecine militaire
1-3-4 Kantonsarchäologie Aargau/Vindonissa-Museum, Brugg.
2 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
2 Musée du Louvre. Photo Maurice et Pierre Chuzeville.
3 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
n
La médecine par les plantes
1 Bibliothèque municipale de Lyon. Photo Didier Nicole.
n
L’identité du médecin
2-3 Collection des musée et jardins botaniques cantonaux, Lausanne.
1 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
Hygiène et soins corporels
2 Musées de Metz Métropole La Cour d’Or. Photo Jean Munin.
n
3 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
1-4 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photos J.-M. Degueule.
5 AUGUSTA RAURICA. Photo Susanne Schenker.
n
Tombes de médecins en Gaule romaine
Maladies et lieux insalubres
1 RMN. Photo René-Gabriel Ojéda.
n
2 Paris, musée Carnavalet-Histoire de Paris. Photo R. Viollet.
1-2 D’après A. Ciarallo et E. de Carolis (dir.), Pompéi : nature, sciences
3 RMN. Photo René-Gabriel Ojéda.
et techniques, Milan, 2001, p. 141.
4-6 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photos Chr. Thioc
3 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
7 Conseil régional des Pays de la Loire. Photo D. Pillet,
Conseil général de Loire-Atlantique/J. Santrot.
n
Santé et maladie des Gallo-Romains
1 Musée Romain d’Avenches. Photo H. Amoroso.
n
Anatomie et thérapeutique
2 Y. G. Reymond, Département d’anthropologie et d’écologie,
1 Archéologie cantonale du Valais, Martigny.
Université de Genève et V. Martini, Université de Fribourg.
2 Musée romain de Lausanne-Vidy.
3 Chr. Kramar, Département d’anthropologie et d’écologie, Université de Genève.
4 Musée romain d’Avenches.
4. M. Vautravers, Département d’anthropologie et d’écologie,
Université de Genève.
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n
Quelques cas pathologiques en Gaule romaine
1-2 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photos J.-M. Degueule.
3-5 Université Nice Sophia Antipolis/Photographies CÉPAM.
6-9 Yann Ardagna UMR 6578.
n
Médecine, religion et magie
1 Musée du Louvre, Dist. RMN. Photo Stéphane Maréchalle.
2 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
3-4 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photos Chr. Thioc.
5 Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
6 Musée romain d’Avenches.
n
Les pierres qui soignent
1-7 BNF/Département des Monnaies, Médailles et Antiques.
n
Bibliographie d’orientation
Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz. Photos René Müller.
n
Crédits photographiques
Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Photo J.-M. Degueule.
Plaquette en bronze représentant une paire d’oreilles, Revel-Tourdan (Isère)
(époque gallo-romaine). Collection particulière.
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QUOI DE NEUF, DOCTEUR ?
e caractère paradoxal de la civilisation romaine, à la fois
proche et très éloignée de la nôtre, ressort particulièrement
lorsqu’on s’intéresse à la médecine. Évoquer Rome et son empire,
c’est faire revivre un monde où l’espérance de vie est limitée, la
mortalité infantile élevée, où une banale infection peut être
mortelle, où enfin religion et magie viennent souvent au secours
de la science. Mais c’est aussi une civilisation qui connaît les
traités de médecine hérités des Grecs, où les praticiens nombreux,
surtout en milieu urbain, sont souvent spécialisés et disposent
d’instruments perfectionnés. Ils savent réduire les fractures,
soigner les plaies et même opérer la cataracte, dans une inlassable
quête d’efficacité. Conscient de ses limites, le médecin pratique
sous le regard du dieu qui guide sa main.
Cet ouvrage édité par le Département du Rhône accompagne
l’exposition « La médecine à l’époque romaine. Quoi de neuf,
docteur ? », conçue en 2010 par le musée de Nyon (Suisse) et
présentée au musée gallo-romain de Lyon-Fourvière en
2011-2012.
LA MÉDECINE À L’ÉPOQUE ROMAINE
L
LA MÉDECINE À
L’ÉPOQUE ROMAINE
QUOI DE NEUF, DOCTEUR ?
Relief d’Esculape et Hygie aux serpents, Ma 602 (détail).
Localisation : Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.
© Musée du Louvre, dist. RMN/Stéphane Maréchalle
Graphisme : Aurélia Monnier